Les saints martyrs de Corée nous encouragent à ne pas nous comporter comme des gamins ronchons !
Le 20 septembre : mardi 24° semaine ordinaire.

Par Père Roger Hébert

Dans la 1° lecture tirée de la 1° lettre à Timothée, nous avons entendu l’une des plus anciennes professions de foi. Il y en a, comme ça, quelques-unes qui parsèment les lettres de Paul. Celle-là est très synthétique : le Christ, manifesté dans la chair, justifié dans l’Esprit, apparu aux anges, proclamé dans les nations, cru dans le monde, enlevé dans la gloire ! C’est une belle coïncidence, cadeau de la Providence que nous lisions cette profession de foi le jour où nous célébrons les saints martyrs de Corée, André Kim, Paul Shong et leurs compagnons. Ces martyrs de Corée, comme tous les martyrs d’ailleurs, ont accepté de donner leur vie pour ne pas renier leur foi, cette foi qui leur avait été transmise et qui était devenue plus précieuse que la prunelle de leurs yeux.

Nous avons un récit qui nous raconte comment le sort d’André Kim a été scellé. Il comparait devant un fonctionnaire qui lui pose cette seule question : « Êtes-vous catholique ? » André Kim savait que sa vie dépendrait de sa réponse, il avait encore une possibilité de la sauver en reniant sa foi ; mais, en pleine assurance, il répond : « Oui, je suis catholique. » Il n’en fallait pas plus ! Cette brève profession de foi a été consignée dans l’une des lettres qu’il a pu écrire pendant les jours d’emprisonnement qui précéderont son martyr. Sa profession de foi est on ne peut plus simple, juste un « oui » à une question posée, mais un « oui » dans lequel on retrouve toute la profondeur de sa fidélité au Seigneur. Permettez-moi de dire quelques mots sur ces martyrs de Corée.

Ce qui est très étonnant et, sans doute, un cas unique dans l’histoire de l’Eglise, c’est que l’Église n’est pas née en Corée des efforts de missionnaires étrangers mais elle a été importée par les Coréens eux-mêmes. L’aventure commence au 17° siècle. La Corée était alors vassale de la Chine. Et ce sont des laïcs coréens, intellectuels et fonctionnaires qui découvrirent l’Evangile et la personne de Jésus dans les travaux du célèbre père jésuite Matteo Ricci. Il fut le premier européen à entrer vraiment dans la culture chinoise et à commencer à la comprendre. Ces écrits de Mattéo Ricci bouleversèrent ces intellectuels coréens qui les découvrirent en Chine. L’un de ces intellectuels travaillant comme fonctionnaire en Chine se fit baptiser par les missionnaires encore présents en Chine et prit le nom de Pierre. Il retourna en Corée avec ces documents et il annonça la religion chrétienne à ses amis et à son entourage. La communauté comptait 4000 convertis 10 ans plus tard. Aucun prêtre ne pénétra en Corée avant 1794. Ce sont donc des laïcs qui pendant 2 siècles évangélisèrent la Corée.

Par la suite, le gouvernement coréen va décider de fermer très hermétiquement toutes ses frontières. Ça n’empêchera pas le nombre de convertis d’augmenter, alors que la propagation d’une religion étrangère en terre coréenne avait été déclarée contraire à la loi. C’est pour cette raison qu’il y eut de cruelles persécutions dès la fin du 18° siècle. Mais là-bas, comme partout dans le reste du monde, les persécutions n’ont jamais pu atteindre leur objectif : éradiquer la foi chrétienne. C’est toujours l’inverse qui s’est produit, donnant raison à Tertullien, l’un des premiers Pères de l’Eglise qui aimait dire que le sang des martyrs était une semence de chrétiens. Des années plus tard, le premier prêtre coréen, André Kim, formé à Shanghai, fut décapité en 1846 à l’âge de 25 ans. On estime qu’au total, entre 1791 et 1884, 8000 chrétiens furent exécutés en Corée, et 103 d’entre eux ont été canonisés par l’Église. L’évangélisation ne s’est jamais arrêtée, quand ils le pourront, au 19° siècle, des missionnaires français, en particulier les prêtres des Missions Étrangères de Paris viendront et, parmi eux aussi, il y aura de très nombreux martyrs.

Dans l’Eglise, la célébration des martyrs est toujours une occasion de raviver notre foi. Nous ne pouvons qu’être émerveillés devant leur courage, devant leur fidélité. Nous ne pouvons que nous interroger pour nous demander : et nous, qui vivons notre foi tranquillement, sans risques, sommes-nous à la hauteur du trésir qui nous a été transmis ? N’aurions-nous pas tendance à nous endormir ? Il me semble que c’est le reproche que nous pouvons entendre derrière les paroles de Jésus entendues dans l’Evangile.

Jésus dit que sa génération est comme des gamins qui ne sont jamais contents. On peut dire que c’est vrai de toutes les générations, spécialement de nos générations, de nos sociétés vivant dans l’opulence. Nous rouspétons pour tout sans avoir suffisamment de gratitude pour tout ce que nous avons, pour la paix dans laquelle nous vivons. Oui, Jésus a bien raison de dire que nous sommes comme des gamins jamais contents. Et, dans l’Eglise, toujours comme les gamins, nous passons tellement de temps à nous chamailler ! Il y a ceux qui veulent que les prêtres soient habillés comme ça, qu’ils disent la messe comme ça et les autres qui pensent le contraire ! Croyez-vous que ce soit le plus essentiel aujourd’hui ? Croyez-vous que nous puissions nous accorder ce luxe de nous diviser dans des querelles stériles alors que tant et tant de nos contemporains ne connaissent pas la joie de l’Evangile ? Tout le temps que nous perdons à nous chamailler, nous ne le passons pas à évangéliser, à proposer l’amour de Dieu à tous ceux qui s’asphyxient parce qu’ils ne trouvent plus l’ouverture vers le ciel.

Le pape François ne cesse de rappeler aux chrétiens l’urgence qu’il y a à ce qu’ils deviennent des disciples-missionnaires, pas des gamins ronchons toujours en train de se quereller, mais des disciples-missionnaires désireux de partager à leurs frères ce qu’ils ont de plus précieux, c’est-à-dire leur foi. Que la fête de ces martyrs coréens nous relance sur le chemin de l’évangélisation et nous fasse abandonner toute querelle stérile. St André Kim, St Paul Shong et tous vos compagnons intercédez pour nous. Notre Dame de Laghet, Toi qui n’a pas de plus grand désir que de faire connaître le Nom de ton Fils, intercède pour nous, obtiens-nous de devenir, à notre tour, des témoins infatigables de la beauté et de la grandeur de la Foi.