Le 24 septembre 2023 : 25° dimanche ordinaire
S’il y a parmi vous des responsables d’entreprise, petites ou grandes, n’allez surtout pas prendre exemple sur Jésus pour, en fin de mois, distribuer les salaires. Si jamais vous le faisiez, vous devriez, à coup sûr, faire face à un soulèvement ! Soyons clairs, cet Evangile ne parle pas de justice sociale. Chez nous, parce que nous avons la chance d’être dans un état de droit, pour la justice sociale, il y a des règles, des lois qui encadrent les bonnes pratiques. Dans cet Evangile, avec cette parabole, Jésus veut nous parler de Dieu son Père, c’est pour cela que le texte commençait par ces mots : Le royaume des Cieux est comparable au maître d’un domaine qui sortit dès le matin. Jésus veut nous parler de Dieu, c’est lui le maître, il veut nous parler de ses manières de faire et toute la parabole va donc nous expliquer qui est Dieu et quelles sont ses manières de faire.
Notre Dieu est un Dieu « en sortie »
Dans la petite phrase introductive que je viens de lire, nous pouvons déjà recueillir un renseignement très précieux. Le royaume des Cieux est comparable au maître d’un domaine qui sortit dès le matin. Notre Dieu n’est pas un dieu comme les dieux de la mythologie qui restent, entre eux, dans leur paradis, uniquement soucieux de leur bien-être et se servant des hommes comme larbins pour assouvir leurs plaisirs démesurés. Non ! Notre Dieu est un Dieu « en sortie » pour reprendre une parole chère à notre pape François. Le Premier Testament nous a souvent parlé de Dieu qui entend les cris de son peuple, qui voit sa misère. Cela suppose que Dieu soit à l’affût pas préoccupé de lui, mais de nous. Et quand il a vu que cette misère avait dépassé les bornes, il a envoyé son Fils Jésus pour qu’il puisse nous prodiguer la miséricorde du Père, cet amour qui relève et restaure. A notre misère, Dieu a répondu par sa miséricorde. Ces deux mots, ces deux réalités s’emboitent parfaitement : en Jésus, Dieu fait miséricorde à tous ceux qui lui crient leur misère.
Cette parole de Jésus qui ouvre la parabole est donc très belle : nous croyons en un Dieu qui sort dès le matin, c’est-à-dire qui ne perd pas de temps pour aller à la rencontre de tous ceux qui le cherchent. C’est bien ce que disait la 1° lecture : Cherchez le Seigneur tant qu’il se laisse trouver ; invoquez-le tant qu’il est proche. Hélas, cette parole a été très mal traduite car elle laisserait entendre que Dieu joue à cache-cache avec nous et qu’il y a des moments où il se laisserait trouver et d’autres où il ne se laisserait pas trouver ! Non ! Il aurait été plus juste de traduire : Cherchez le Seigneur puisqu’il se laisse trouver ; invoquez-le puisqu’il est proche ! Et là, du coup, cette parole est parfaitement conforme à ce Dieu que Jésus nous présente dans la parabole comme un Dieu en sortie, jamais caché, uniquement préoccupé de se laisser trouver mais sans jamais s’imposer.
Nous comprenons aisément que cette vigne évoque l’Eglise.
Et tout le reste de la parabole va nous montrer que « sortir » c’est l’activité principale de ce maitre qu’est notre Dieu, on s’en rend bien compte avec les nombreuses répétitions du verbe sortir qui scande la parabole. Et pourquoi sort-il si souvent ? Jésus nous l’explique, c’est afin d’embaucher des ouvriers pour sa vigne. Et il faut croire qu’il y a un travail fou puisque ceux qu’il trouve dès le matin, puis à 9h et encore à midi puis 3h et enfin 5h, il les envoie travailler à sa vigne. Nous comprenons aisément que cette vigne évoque l’Eglise. C’est pour travailler dans son Eglise que le Seigneur ne cesse d’embaucher car le travail est énorme, la mission est gigantesque, il n’y aura jamais trop d’ouvriers. Le cardinal Aveline qui a fait venir et accueilli le Pape à Marseille aime dire : La mission de l’Eglise c’est d’être au service de la relation de Dieu envers le monde. La mission de l’Eglise c’est d’être au service de l’amour dont Dieu aime le monde. Et c’est pour cela qu’elle ne cesse d’inventer des moyens nouveaux pour dire à tout le monde cet amour dont Dieu l’aime. Définir ainsi c’est l’Eglise, c’est précisément souligner l’immensité de la tâche à accomplir. Il n’y a pas une partie du monde, il n’y a pas une catégorie de personnes qui doit se trouver exclue de cette annonce de cette immense bonne nouvelle : vous êtes aimés de Dieu !
Tu n’as aucune conscience de la valeur que tu as !
Ce ne sont pas des mots, quand on l’a compris, ça ne peut que changer la vie ! Pour nous le faire comprendre, je veux vous raconter cette histoire qui est une histoire vraie, j’espère qu’elle ne vous choquera pas. Un membre d’une communauté a été envoyé pour prêcher une mission dans un pays d’Afrique. Au cours de son séjour, il a une journée de libre et en profite pour aller se promener à la capitale. Dès qu’il gare la voiture qu’on lui avait prêtée, une prostituée l’aborde. Elle avait repéré un blanc censé avoir de l’argent, elle cherchait donc à lui en prendre en monnayant ses charmes.
Le missionnaire lui demande : combien tu prends ? La femme lui répond en donnant une somme. Le missionnaire lui dit : seulement ça ! La femme est étonnée, elle double le prix et le missionnaire lui répond encore : seulement ça ! La femme lui dit : toi, tu n’es pas comme les autres hommes qui cherchent tous à me faire baisser le prix ! C’est alors que le missionnaire lui dit : en te vendant à ce prix dérisoire, tu n’as aucune conscience de la valeur que tu as ! Sais-tu qu’aux yeux de Dieu, tu es tellement précieuse qu’il t’a racheté au prix du sang de son Fils, Jésus ! Tu es aussi précieuse que son Fils unique, Jésus notre Seigneur, puisqu’il a versé son sang pour toi, pour te racheter, pour te libérer et toi tu te vends à un prix minable comme si tu n’étais rien ! La femme en a été tellement bouleversée qu’elle s’est mise à pleurer toutes les larmes de son corps et qu’elle a supplié le missionnaire de l’emmener avec elle dans la communauté où il séjournait. En un instant, elle avait renoncé à la prostitution et voulait servir ce Dieu qui l’estimait si précieuse. Par la suite, elle est allée à la rencontre des prostituées qu’elle connaissait, et des autres aussi, pour leur annoncer cette bonne nouvelle qui avait fait chavirer sa vie. Du coup, avec le soutien de la communauté, elle a ouvert une maison pour accueillir les prostituées qui, comme elle, voulaient changer de vie et se donner au Seigneur, travailler à la vigne du Seigneur.
Il n’est permis à personne de rester à ne rien faire !
Avec cette histoire, nous comprenons mieux combien il est décisif que toujours plus d’ouvriers puissent travailler à la vigne du Seigneur pour annoncer à tous, comme le dit le cardinal Aveline, l’immense amour du Seigneur. C’est urgent et décisif car cet amour est capable de transformer la vie même et surtout de ceux qui sont très bas. Le pape François ne cesse d’appeler les chrétiens à devenir ces infatigables disciples-missionnaires qui aillent témoigner de l’amour de Dieu pour tous, sans exception. Il ne cesse d’inviter l’Eglise à être une Eglise « en sortie » à l’image de notre Dieu. Commentant cette parabole, Jean-Paul II, devant l’urgence de cette mission d’annoncer l’amour de Dieu avait eu cette formule choc : Des situations nouvelles, dans l’Eglise comme dans le monde, dans les réalités sociales, économiques, politiques et culturelles, exigent aujourd’hui, de façon toute particulière, l’action des fidèles laïcs. S’il a toujours été inadmissible de s’en désintéresser, présentement c’est plus répréhensible que jamais. Il n’est permis à personne de rester à ne rien faire ! (Christi Fideles Laïci n° 3) Vous avez entendu : Il n’est permis à personne de rester à ne rien faire ! Très beau commentaire qui nous invite à répondre à l’appel de Dieu qui ne cesse de sortir pour embaucher car la mission est une tâche d’une ampleur infinie et, plus que jamais, il est urgent dans notre monde déboussolé de témoigner de l’amour de Dieu, cet amour capable de transformer une vie.
Maintenant reste une question : pourquoi le maître, c’est-à-dire Dieu, donne-t-il le même salaire à tous sans récompenser les plus fidèles ? Oh, la réponse est simple ! Dieu ne sait pas donner autre chose que lui-même. Quand nous travaillons pour lui, à sa vigne, à sa mission, Dieu ne nous accorde pas des récompenses, il se donne à ceux qui se donnent. Or quand Dieu se donne, il se donne toujours totalement. Il ne donne pas aux meilleurs une grande partie de son amour et à ceux qui ont été moins bons, moins assidus une petite partie de son amour. Dieu ne sait et ne peut que se donner entièrement. Voilà pourquoi la récompense est la même pour tous et qu’elle est exceptionnelle. Nous allons vérifier tout de suite, dans cette Eucharistie que c’est vrai. Qui que nous soyons, d’une manière ou d’une autre, nous allons recevoir Jésus, pas un bout de Jésus, un bout plus ou moins grand selon nos mérites ! Non ! Jésus, en digne Fils de son Père, va se donner totalement à chacun. Puissions-nous répondre à ce don d’une valeur inouïe par le don de nous-mêmes, par notre engagement au service de la mission de son Eglise.
Pour que nous participions toujours plus activement à la mission de l’Eglise, pour que nous mettions nos dons au service de tous, pour que nous annoncions sans crainte, en paroles et en actes l’amour de Dieu, demandons à Notre Dame de Laghet qu’elle nous aide à entendre et à répondre à cette injonction si forte du pape Jean-Paul II : Il n’est permis à personne de rester à ne rien faire !