28 janvier : 4° dimanche temps ordinaire
Vous vous rappelez sans doute, quand on était à l’école, parfois on nous donnait un texte et il fallait lui trouver un titre. Si on me demandait de donner un titre au texte d’Evangile d’aujourd’hui, je proposerais volontiers : Quand Jésus fait un tabac à la synagogue de Capharnaüm ! C’est sûr que sa première sortie assez officielle ne sera pas passée inaperçue car c’est bien la 1° sortie officielle de Jésus qui nous est racontée dans ce texte. Nous sommes au 1° chapitres de l’Evangile de Marc, cet Evangile que nous lisons tout au long de cette année. Le chapitre 1, c’est donc le tout début du ministère de Jésus. Voici la chronologie que donne Marc : Jésus est baptisé par Jean-Baptiste dont il a rapporté au préalable la prédication ; après son Baptême, il part faire cette retraite de 40 jours au désert où il est tenté par le diable ; juste après, Marc nous rapporte le contenu de la prédication de Jésus mais sans donner aucun détail ; puis Jésus appelle ses 1° disciples, texte de dimanche dernier et enfin, il entre à la synagogue de Capharnaüm et c’est le texte d’aujourd’hui.
Dans cette synagogue de Capharnaüm, la 1° prédication de Jésus va connaître un véritable succès, ce qui ne sera pas le cas de sa 1° prédication, chez lui, à la synagogue de Nazareth, telle que la raconte St Luc. Mais, ici le succès est tel que, par deux fois, son enseignement est qualifié d’enseignement qui fait autorité et St Marc rajoute que ce n’était pas le cas de l’enseignement des scribes. Voilà pourquoi je disais que Jésus avait fait un véritable tabac à la synagogue de Capharnaüm. Maintenant que le cadre est posé, je voudrais m’arrêter sur deux points qui me paraissent très importants : le 1° point, c’est le fait que rien ne soit dit sur le contenu de l’enseignement de Jésus et le 2° point, il concerne justement le mot autorité qui, par 2 fois, va qualifier l’enseignement de Jésus. Evidemment, si je souligne ces deux points, c’est parce qu’ils vont nous parler directement et fortement, du moins je l’espère !
1° point très étonnant, c’est que rien ne nous est dit sur le contenu de l’enseignement de Jésus. Puisque Jésus a fait un tabac avec son enseignement, on aurait bien aimé savoir ce qu’il a dit. Mais peut-être que ce silence sur le contenu nous en dit infiniment plus que si un compte-rendu de l’enseignement nous avait été donné. Car, si le texte est silencieux sur ce que Jésus dit, il n’est pas silencieux sur ce que Jésus fait. Et dans ce que Jésus fait, je retiens deux éléments.
- 1° élément, Jésus n’est pas déstabilisé quand cet homme possédé s’avance vers lui. Et ça j’admire parce que vous savez, quand on est prédicateur, ce genre de situation n’est pas très facile à gérer. Ça m’est arrivé au moins deux fois d’être interrompu dans ma prédication par des hommes tourmentés ou alcoolisés. Ce n’est vraiment pas simple à gérer d’autant plus que, dans ce moment-là, tous les paroissiens se mettent à fermer les yeux et s’enfoncent dans la prière pour ne pas avoir à réagir, nous laissant bien seuls pour gérer ! Je ne me rappelle plus exactement comment je m’en étais sorti, mais ce n’était pas très brillant ! Lui, Jésus, il n’est pas du tout déstabilisé, cet homme s’avance et il va s’occuper de lui.
- 2° élément, la manière dont Jésus s’occupe de lui est un modèle du genre. Il ne dit pas à cet homme : pour le moment, c’est moi qui parle, si tu veux parler, tu parleras quand j’aurai fini ! Je crois bien que c’est ce que j’avais répondu à l’une des deux personnes qui m’avaient perturbé ! Quand Jésus entend ce que le mauvais esprit fait dire à cet homme, Jésus ne s’adresse pas à l’homme mais au mauvais esprit dont cet homme était devenu le jouet. Je pense que ça nous rappelle la manière dont le père Hamel avait réagi face à son agresseur venu l’égorger en pleine messe. Lui aussi, il s’était adressé au mauvais esprit en disant : Satan, sors de cet homme. En réagissant ainsi, le père Hamel emboitait le pas à Jésus qui savait qu’un homme méchant était souvent le jouet des forces du mal. Nous sommes donc invités, même si ce n’est jamais facile, à ne jamais réduire une personne au mal qu’elle peut dire ou qu’elle peut faire.
Comme vous pouvez le constater, par sa réaction, Jésus manifeste clairement qu’il n’est pas venu pour mater les méchants mais pour les délivrer, les sauver. Jésus manifeste aussi clairement que ce qui l’intéresse, ce n’est pas de faire des discours pour expliquer d’où vient le mal et comment il est possible de le combattre.
Non, ça, ça n’intéresse pas Jésus et c’est sans doute pour cela que St Marc ne nous révèle pas le contenu de l’enseignement de Jésus, par contre, il nous montre clairement l’engagement concret de Jésus à lutter contre le mal, à libérer ceux qui en sont les jouets. Notre monde serait tellement meilleur s’il y avait moins de discours sur l’origine de la misère et des inégalités et plus d’actions ! Jésus n’a jamais fait partie de ceux qui disent : y’a qu’à, faut qu’on … et il nous demande de faire comme lui : moins de discours plus d’engagement !
C’était mon 1° point qui développait le fait que St Marc ne nous livre pas le contenu de l’enseignement de Jésus. Le 2° point, c’est la qualification donnée à l’enseignement de Jésus. Comme je le disais, par deux fois, il est dit que Jésus enseigne avec autorité et St Marc prend même bien soin de préciser que ce n’était pas le cas des scribes !
Pour comprendre la portée de ce qualificatif donné à l’enseignement de Jésus, il est bon de faire un peu d’étymologie. Autorité, ça vient d’un mot latin « augere » qui signifie « faire grandir ». L’autorité, c’est donc la capacité de faire grandir les autres. Ainsi donc, tous ceux qui reçoivent une autorité que ce soit dans une famille, dans une école, dans la société ou dans l’Eglise reçoivent, en fait, cette mission de faire grandir ceux qui leur sont confiés. On entend encore bien cette définition dans l’utilisation de l’expression « élever ses enfants. » Il faut visualiser ce qu’il y a derrière ce verbe « élever » qui dit bien ce qu’il veut dire : il s’agit vraiment de faire grandir ses enfants. Dans notre société, peut-être que ce mot « autorité » il a mauvaise presse, particulièrement depuis les années 68. C’est bien dommage, mais je vois bien d’où ça vient ! On confond trop souvent l’autorité qui est une qualité et l’autoritarisme qui est un très gros défaut. Celui qui a reçu autorité, il doit faire grandir ceux qui lui sont confiés, celui qui parlera et agira avec autoritarisme, il va au contraire casser, écraser ceux qui lui sont confiés. Ceux qui ont eu des parents ou des enseignants, parlant et agissant avec autoritarisme auront bien du mal à grandir en s’épanouissant. Ils vont grandir mais cassés avec des blessures très difficiles à cicatriser.
Jésus est le modèle d’un homme qui parle et agit avec autorité. Tous ceux qu’il rencontrait, il cherchait à les faire grandir, particulièrement ceux qui étaient écrasés par les difficultés de la vie. Même quand Jésus rencontrait un adversaire, il ne cherchait jamais à le casser, pourtant, il pouvait lui adresser des paroles très vigoureuses mais jamais pour casser. Ceux qui étaient dans la synagogue de Capharnaüm l’ont compris dès cette 1° sortie de Jésus. Les scribes, eux, par leurs discours, ils cassaient, ils écrasaient, Jésus le dira : ils lient sur les épaules des gens de pesants fardeaux qui les écrasent et Jésus rajoutera même : mais ces fardeaux, eux, ils ne veulent même pas les remuer du petit doigt !
Si nous voulons devenir ces personnes qui parlent et agissent avec autorité, en ayant ce désir de faire grandir tous ceux qui nous approchent, bref, si nous voulons ressembler à Jésus, nous savons comment il faut faire ! C’est en l’accueillant, c’est en nous approchant le plus souvent possible de lui, c’est en le gardant sans cesse à nos côtés que nous finirons par lui ressembler. C’est vraiment ce que nous demandons par l’intercession de Notre Dame de Laghet.