1/ – Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? Mt 27,46 Mc 15,34

Nous sommes souvent très attentifs à la manière dont meurent les gens. Et nous sommes très admiratifs devant ceux qui font une belle mort. Cette parole, ce cri que Jésus pousse sur la Croix ne fait pas ressembler sa mort à une belle mort ! D’ailleurs, la suite de l’Évangile de Matthieu l’atteste. Il est écrit qu’on lui donne à boire et Matthieu précise : « Jésus criant de nouveau d’une voix forte, rendit l’esprit. » Mt 27,50 Ce dernier cri, il est devenu incompréhensible, on a juste retenu qu’il était très fort. Il n’y a rien d’admirable dans cette manière de mourir. La mort de Socrate buvant la ciguë de manière stoïque parait beaucoup plus digne.

Mais, nous, les chrétiens, nous voulons lire dans ce cri l’extrême dépouillement que vit Jésus, un extrême dépouillement pour une plus grande communion. Oui, c’était bien nos souffrances qu’il portait. Désormais personne ne pourra être jugé sur sa manière de mourir. Par son cri, Jésus a voulu que tous les désespérés de la terre puissent savoir qu’ils ne sont pas seuls et même qu’ils sont en bonne compagnie puisque lui-même a accepté de connaitre cette angoisse terrible qui donne l’impression que plus personne n’est avec nous, pas même Dieu.

Mais, nous le savons, ce cri, il est aussi la citation du psaume 22, dans lequel le psalmiste dit son extrême souffrance. Si Jésus reprend ces paroles du psaume, c’est sans doute parce qu’il ne peut même plus formuler une autre prière. Sa souffrance est extrême, plus aucune prière personnelle ne peut jaillir de son cœur et de ses lèvres. Lui qui passait des nuits en prière, lui qui a appris à prier à ses apôtres, le voilà qui ne peut plus prier autrement qu’en reprenant les formules toutes faites. Dépouillement extrême de sa prière, expérience de pauvreté extrême. Là encore ce dépouillement permet une plus grande communion. Ils sont nombreux ceux qui, dans la souffrance, ne peuvent plus prier. Ils ne peuvent plus que répéter presque mécaniquement des formules apprises, quelques « je vous salue Marie » et c’est tout.

Pour mesurer l’extrême dépouillement, il faut s’imaginer la scène. Autour de la croix, il y a tous ceux qui se moquaient de lui et qui lui lançaient le terrible défi : tu en as sauvé d’autres, sauve-toi toi-même ! Ils attendaient un peu curieux pour voir si jamais ils s’étaient trompés, ils attendaient de voir un miracle. Et au lieu du miracle, il y a ce cri de pauvreté qui renforce la conviction de tous ceux qui sont là que cet homme est bien un imposteur. Dans ce dépouillement, Jésus a voulu rejoindre tous ceux qui vivent douloureusement le moment de leur mort. Ce moment, ils l’avaient confié tant de fois à la Vierge Marie, en lui demandant de les accompagner « maintenant et à l’heure de notre mort » et quand ce moment arrive, ils peuvent être tellement désemparés … Jésus les a rejoints dans son dépouillement à ce moment-là.

Prions : “ Ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, Jésus les aima jusqu’à l’extrême.” Seigneur, cette parole de l’Écriture, elle est vraie. Tu nous as aimés jusqu’à l’extrême. Dans ton extrême dépouillement tu as voulu aimer tous les hommes, tu as voulu porter tous les hommes, particulièrement ceux qui vivent des situations extrêmes. Seigneur quand je serai moi-même confronté à la nuit de la foi et quand j’arriverai au moment de ma mort, que l’Esprit-Saint me rappelle ton extrême dépouillement pour que je puisse me sentir encore aimé et porté. Amen.

2/ – Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font Lc 23,34

De St Luc, l’évangéliste de la miséricorde, on ne pouvait pas moins attendre que cette parole de pardon. Si nous voulons comprendre la portée de cette parole, de ce pardon, il faut que nous entrions dans la scène. Jésus est cloué sur la croix, on élève la croix. Sa chair se déchire, il fait des efforts désespérés pour essayer d’appuyer le maximum de son poids sur le frêle morceau de bois qu’on mettait sous les pieds des crucifiés pour leur donner l’illusion de moments de moins grande souffrance … et aussi pour que le supplice dure plus longtemps !

Il y a cette souffrance physique qui est terrible car on sait que, très vite, les crucifiés manquent d’air, que tous leurs muscles se tétanisent. Oui, il y a cette souffrance physique extrême et la souffrance morale qui en rajoute encore. Ceux que Jésus aurait aimé voir ne sont pas là, la plupart de ses disciples ont pris la fuite et ceux qui sont là, se taisent submergés par la souffrance.

C’est dans ce contexte que Jésus implore le pardon du Père pour ceux qui lui ont fait subir tout ça. Et, Jésus demande le pardon de Dieu pour les hommes alors qu’il est en proie aux plus extrêmes souffrances, alors que ces hommes sont en train de le faire souffrir. Jésus demande à Dieu de pardonner, parce que lui, c’est déjà fait, il a déjà pardonné. Cette parole du Christ met en présence la haine la plus extrême et l’amour le plus extrême. Pierre avait demandé un jour jusqu’où faut-il aller dans le pardon et Jésus avait répondu : ne calcule pas, va jusqu’au bout … eh bien, il l’a fait.

Ce pardon sur la croix devient la source de notre confiance : ainsi donc, c’est bien vrai, rien n’est impardonnable puisque le meurtre-même de Jésus est pardonné. Peut-il y avoir péché plus grand ? Quel que soit mon péché, je sais que le pardon m’a été acquis sur la croix. Pour peu que je fasse la démarche de reconnaître mon péché, je pourrai accueillir la grâce du pardon.

Prions : Seigneur, tu nous donnes, si souvent, d’expérimenter la joie d’accueillir ton pardon. Ce que nous avons reçu comme cadeau de ton amour excessif, donne-nous de le communiquer à notre tour à ceux qui nous entourent. Eclaire-nous sur les démarches que nous avons à faire, donne-nous la force de ne pas entretenir de rancune. Amen

3/ – En vérité, en vérité, je te le dis : 

                  aujourd’hui, tu seras avec moi dans le paradis Lc 23, 42

Décidément, Jésus est incorrigible. Il avait choisi une bande d’apôtres un peu étonnante. Pierre, promettant de ne jamais abandonner Jésus, même si tous les autres le faisaient, promettant de mourir pour lui et on a vu ce que ça a donné ! Jacques et Jean, dès que ça n’allait pas, ils voulaient rayer de la carte les villages qui ne les accueillaient pas en faisant tomber le feu du ciel et, en plus, ils se bagarraient pour savoir qui était le plus grand parmi les apôtres. Matthieu était un fonctionnaire véreux. Simon, un révolutionnaire. Judas un terroriste amoureux de l’argent. Bref, il a choisi une bande dont il n’y avait vraiment pas de quoi être fier. Il avait passé du temps avec eux, pensant qu’à force d’enseignement, d’amour, de patience, de pardon, il allait les transformer. Le résultat, on le voit à la Croix, ils sont presque tous partis, il ne reste que Jean.

Une analyse lucide de la situation nous oblige à dire que c’était normal : Jésus n’avait qu’à faire un meilleur choix, trouver des gens plus fiables. Il aurait dû comprendre qu’il ne fallait pas s’entourer de gens comme ça.

Croyez-vous que ça lui ait servi de leçon ? Pas du tout. Sur terre, il s’était constitué une bande pas fameuse du tout, eh bien pour le ciel, il recommence ! Le 1er choisi, c’est un bandit. Le 1er qui va arriver avec lui dans la maison du Père, c’est un bandit. Décidément Jésus est incorrigible ! Il avait dit un jour que les publicains et les prostituées seront 1ers dans le Royaume des cieux, tout le monde avait cru que c’était une boutade de mauvais goût ! Or voilà qu’avec cette promesse, il est en train de montrer que ce n’était pas une boutade, mais la réalité !

Sur la croix Jésus persiste et signe. S’il avait prononcé un grand oracle, les gens auraient pu s’interroger : peut-être qu’on s’est trompé, mais avec cette parole, il finit de se déconsidérer. Mais comment voulez-vous que Jésus résiste à la demande que ce bandit formule ? Le psaume 33 ne dit-il pas : un pauvre a crié, Dieu l’entend ? Sur la croix, voisine de la sienne, un pauvre a crié, Jésus l’a entendu et même mieux, il l’a exaucé. Désormais, nous sommes habités par cette certitude : quelle que soit leur pauvreté, tous les pauvres qui crieront vers Dieu ont un saint patron qu’ils peuvent invoquer, mobiliser pour que leur cri soit entendu, et leur saint patron, c’est le bon larron !

Prions : Seigneur, nous sommes émerveillés de voir jusqu’où va ta miséricorde ! Nous voulons graver dans nos cœurs cette parole du psaume : un pauvre crie, Dieu l’entend. Donne-nous de crier vers Toi à chaque fois que nous serons submergés par notre pauvreté en étant sûrs que ta miséricorde n’a pas de limite ! Amen

4/ – Père, entre tes mains, je remets mon esprit Lc 23,46

Pour St Luc, cette parole est la dernière que Jésus prononce sur la croix. Après avoir imploré le pardon du Père, promis le paradis au bon larron, voilà qu’il pousse ce cri de confiance et d’abandon. Là encore pour prier, Jésus se sert des psaumes puisque ce cri est tiré du Ps 31, 6. Je ne vais pas redire ce que j’ai dit tout à l’heure à propos de la 1ère parole du Christ en croix qui était aussi une citation de psaume. Il y a là encore une grande pauvreté de Jésus, qui, pour prier, est obligé de se servir des prières du peuple.

Ce psaume 31, il est comme le psaume 22, la prière de quelqu’un qui traverse une épreuve terrible : il est pris comme dans un filet. Mais ce psaume n’a pas la même tonalité que le psaume 22, il est un cri de confiance du début à la fin. Certes on sent beaucoup de souffrances, mais elles sont vécues du début à la fin dans la confiance.

Au v. 16, le psalmiste demandera : délivre-moi des mains hostiles qui s’acharnent. Il y a des mains qui ne font pas du bien, il y a des mains qui peuvent devenir hostiles. Jésus en sait quelque chose : il a été arrêté par des mains hostiles, conduit avec brutalité par des mains hostiles, fouetté par des mains hostiles, cloué par des mains hostiles, montré du doigt par des mains hostiles. Mais, en reprenant ce psaume, Jésus réaffirme qu’il y a d’autres mains que les mains hostiles, il y a les mains de Dieu, de Dieu son Père, et, dans ces mains-là, on ne craint rien. Ce sont les mains du créateur, les mains du potier qui reprend le vase et le refaçonne s’il a été cabossé. Se remettre entre les mains du Père, c’est trouver un refuge sûr.

Avec les mots du Père de Foucauld, prions : Mon Père, je m’abandonne à toi, fais de moi ce qu’il te plaira, quoique tu fasses je te remercie, je suis prêt à tout, j’accepte tout pourvu que ta volonté se fasse en moi et en toutes tes créatures, je ne désire rien d’autre mon Dieu. Je remets mon âme entre tes mains, je te la donne mon Dieu avec tout l’amour de mon cœur parce que je t’aime et que ce m’est un besoin d’amour de me donner, de me remettre entre tes mains sans mesure avec une infinie confiance parce que tu es mon Père. 

5/ – Femme voici ton fils… Fils, voici ta mère Jn 19, 26-27

Près de la croix de Jésus, se tenait Marie, sa mère. Elle était là sûrement depuis le début, elle a tout suivi, elle a tout vu. Elle qui gardait la Parole dans son cœur, elle a dû se rappeler la prophétie de Syméon. Oui un glaive de douleurs est en train de lui transpercer le cœur.

En méditant sur le mystère de Marie au pied de la croix, nous pouvons faire le rapprochement avec Abraham. Un rapprochement que nous suggère d’ailleurs l’Écriture elle-même. A l’annonciation, l’ange reprend pour Marie, la parole qui avait été prononcée pour Abraham : rien n’est impossible à Dieu. Abraham sera invité à offrir son enfant, son unique, mais Dieu intervient. Marie va être invitée à offrir son enfant, son unique et là il faudra aller jusqu’au bout. Si Abraham a mérité le titre de père dans la foi, à combien plus forte raison, Marie mérite-t-elle le titre de Mère dans la foi, de Mère de l’Église. Marie est la mère de tous ceux qui sont embarqués dans ce pèlerinage de foi, c’est d’ailleurs ainsi que le concile Vatican II a défini la vie de Marie (N° 58 de LG), un pèlerinage dans la Foi. Toute sa vie a été un pèlerinage de foi et, là, nous la trouvons au sommet de son pèlerinage de foi.

Dans cette Parole du Christ que nous méditons maintenant, il faut remarquer l’ordre dans lequel Jésus dit les choses. Il commence par s’occuper de sa mère puis il s’occupera de Jean et à travers lui de l’Église.

Mais il commence par s’occuper de sa Mère et la manière dont il s’occupe de sa Mère est si belle : il donne une mission à sa mère en lui donnant un fils : Femme voici ton fils. Dans l’Évangile, nous ne voyons pas beaucoup de moments de tendresse entre Jésus et sa mère, on a même parfois l’impression qu’il ne s’en occupe pas beaucoup. Là, mobilisant ses dernières forces, il veut que toute son attention soit pour elle parce que Jésus mesure la souffrance de sa mère. Depuis le début de ce cauchemar que constitue la passion, elle avait dû rêver que la vérité éclate, que tout le monde réalise enfin qui il était, que Dieu intervienne, que tout s’arrête avant qu’il ne soit trop tard. Mais rien ne s’est arrêté. Marie devait être complètement retournée, un glaive de douleurs était bien en train de transpercer le cœur de cette femme, de cette Mère. C’est pour cela que Jésus s’occupe d’elle en premier.

Il ne va pas lui murmurer des mots tendres et consolants, mais c’est une nouvelle annonciation qui se réalise puisque Jésus lui demande de participer à l’enfantement de son nouveau corps qu’est l’Église. Elle va perdre le corps de son Fils, alors Jésus lui confie ce corps qu’est l’Eglise.  Marie ne pose même plus de question, elle ne demande plus : comment est-ce que ça va être possible dans l’état où je suis et dans l’état où est ton Église ? Marie est au somment de son pèlerinage de foi. Cela signifie que c’est l’épreuve la plus difficile à vivre et, en même temps, c’est le moment où Marie parvient au sommet de sa foi, acceptant cette nouvelle mission sans poser de question.

Dans une dernière volonté, en confiant St Jean à Marie, Jésus va aussi donner à son Église une mère. La spiritualité mariale n’est pas une spiritualité à option ; prier Marie, c’est entrer dans le désir de Jésus. Ainsi donc cette 5ème parole sur la croix nous révèle le double cadeau que Jésus fait sur la croix : il donne des fils à sa mère par une mission nouvelle et il donne une mère à son Église.

Prière : Seigneur Jésus, nous te bénissons pour l’ultime cadeau que tu nous fais sur la Croix. Désormais, nous savons que Marie nous accompagnera chaque jour dans notre pèlerinage de foi. A chaque instant, elle sera là pour nous rassurer, pour nous susurrer à l’oreille : faites tout ce qu’il vous dira. Que ton Esprit nous aide à entendre cette parole et à répondre comme Marie a répondu, c’est-à-dire dans une foi confiante.

6/ – J’ai soif Jn 19,28

Jésus pourrait être écœuré par tout ce qu’il a subi, entendu, vu. Toutes les lâchetés, les compromissions, les mensonges, bref tout ce déferlement du mal dont il a été victime. Non, il n’est pas écœuré, il crie : j’ai soif ! Il est encore habité par cet immense désir d’aimer. Il pourrait être complètement désabusé se demandant si ça valait le coup d’avoir fait tout ce qu’il a fait. Il pourrait se demander si les hommes méritaient vraiment l’amour qu’il est venu leur apporter, un amour manifesté en paroles et en actes. Rien de tout cela ! Jésus est encore animé par un désir, ce « j’ai soif », manifeste ce désir extrême d’aimer jusqu’à l’extrême.

Cette Parole nous révèle quelque chose d’extrêmement important. La plus grande tentation qui puisse nous guetter, c’est d’être désabusés, découragés, tentés de baisser les bras. Et, aujourd’hui, il y a tant de personnes découragées parfois-même dans l’Eglise. Quand il n’y a plus cette espérance fondamentale qui nous anime, la vie devient compliquée, tout nous pèse, tout le monde nous énerve ! L’espérance, c’est la belle vertu, celle qui étonne Dieu selon les mots si puissants de Péguy.

Alors, que cette 6ème parole de Jésus, nous pousse à demander l’Esprit-Saint pour qu’il nous obtienne un renouvellement de notre espérance pour qu’aux moments les plus difficiles de notre vie, nous puissions encore dire : j’ai soif, j’ai soif d’aimer, j’ai soif de recommencer encore !

Prions : Seigneur, toi qui dans le moment le plus difficile as pu exprimer encore ton immense désir d’aimer. Nous te confions tous nos découragements, toutes nos lassitudes. Que ton Esprit vienne nous en débarrasser et qu’il mette au fond de nos cœurs cette immense soif d’aimer, de t’aimer encore, et d’aimer toujours ceux que tu nous confies.

7/ – Tout est accompli Jn 19,30

Cette parole est tellement étonnante. Là encore, il faut la replacer dans le contexte pour en mesurer le caractère inouï. A vue humaine, la situation est un échec. Il était venu pour annoncer l’amour de Dieu, il meurt victime de la haine. Son entreprise a échoué, on a refusé de l’écouter, il meurt abandonné de ceux qu’il était venu sauver, abandonné de la plupart de ceux sur qui il comptait pour l’aider à réaliser cette mission.

Et lui, Jésus, il dit : Tout est accompli, autrement dit : C’est réussi ! Mais où donc est-elle cette réussite ? La dernière Parole de Jésus nous invite vraiment à faire la distinction entre deux mots qu’on prend facilement l’un pour l’autre : efficacité ou réussite et fécondité. Apparemment le message, l’action de Jésus n’ont pas été efficaces, aucun succès ! Et pourtant en disant : tout est accompli, Jésus annonce qu’il y aura une grande fécondité. Nous sommes trop souvent plus soucieux d’efficacité que de fécondité. Nous cherchons des formules qui marchent, nous courons après la réussite.

Jésus peut dire que tout est accompli parce qu’il a vécu l’amour, dans la fidélité et ce, jusqu’au bout, fidélité sans faille à Dieu, fidélité sans faille aux hommes. Il a vécu l’amour et le don jusqu’à l’extrême, jusqu’au pardon. La fécondité sera au rendez-vous, c’est sûr.

Prions : Seigneur toi qui n’as jamais cherché la réussite, toi qui n’as jamais misé sur l’efficacité, apprends-nous à nous détacher de cette recherche. Que ton Esprit nous aide à croire à la fécondité du don, du pardon, qu’il nous donne de nous engager résolument à ta suite sur ce chemin.

Conclusion : La 8ème parole ! (Une méditation de Daniel Ange)

De même que la tradition spirituelle aime parler d’un 8ème jour, jour de l’achèvement de la création, un prêtre profondément spirituel a osé parler d’une 8ème parole accomplissant toutes les autres. Ecoutons sa méditation.

A peine son âme de Fils a-t-elle enfin retrouvé son Père, à peine s’est-il blotti à tout jamais dans le Cœur de son Père, voilà que Jésus se dit : je crois qu’il manque encore une parole ! Tout ce que j’ai pu dire, j’ai peur que cela n’aille pas encore assez loin dans les cœurs, assez profond dans leur vie… Ah ! leur dire encore un tout dernier mot ! Comme le point final qui marque la fin d’un livre, le point d’orgue d’une symphonie. Une ultime parole qui les signerait toutes. Mais le problème, c’est que chez les humains, après la mort, on ne peut plus parler, sinon d’une autre mystérieuse manière ? Alors voici la trouvaille de génie de l’Esprit Saint…

Tout doucement, comme craignant de le blesser, alors qu’il est déjà mort, le soldat enfonce sa lance… et, violemment, jaillit un torrent d’eau et de sang. Sa vie entière avait commencé par ce petit muscle qui commença à battre au 18ème jour dans le sein de Marie. Et voici que tout s’achève avec ce Cœur transpercé qui, peu à peu, s’était rempli de tous ceux qu’il avait rencontrés et, derrière eux, de toute l’humanité. Ce Cœur s’ouvre, comme le vase d’albâtre de Marie de Béthanie. Il faut que tout l’amour qu’il porte s’exprime et donne jusqu’à la dernière goutte. Blessure merveilleuse ! Blessure qui ne lui fait pas mal ! La seule dont il n’a pas souffert.

L’ultime parole n’est pas prononcée : elle est un geste et quel geste ! Elle n’est pas entendue mais elle est vue, elle se fait signe. Parole au-delà de toute parole. Aucune traduction ne pourra la trahir, aucun commentaire l’édulcorer. D’un seul regard, les analphabètes – les pauvres et les petits que nous sommes – pourront saisir son message : à travers le cœur transpercé du Fils, nous comprenons que le Père n’est qu’un Cœur ouvert donnant en permanence l’Esprit ! Dans toutes les langues de la terre, on le dira ! Dans toutes les cultures, on le comprendra !

Un Cœur transpercé, pour bouleverser les cœurs brisés. Un Cœur ouvert, pour ouvrir tous les cœurs fermés. Son cœur ouvert est plénitude débordante de l’Évangile. La Parole faite chair, ici se fait Cœur. Nous ne pouvons que nous tenir dans le silence, l’émerveillement, l’adoration, la gratitude pour ce cœur à jamais ouvert duquel jaillit le Salut.