18 mai : 5° dimanche de Pâques : Jésus à la recherche de la Gloire … qu’est-ce que ça veut dire ?
A première lecture, nous pourrions presque être choqués par la 1° partie de ce texte. Il commençait par ces mots : « Au cours du dernier repas que Jésus prenait avec ses disciples, quand Judas fut sorti du cénacle, Jésus déclara … » Manifestement, en voyant partir Judas, Jésus a compris que la passion allait commencer, que sa fin était proche. Et de quoi veut-il parler immédiatement à ses disciples ? De gloire ! De la Gloire qu’il demande à son Père pour lui-même ! Oui, il y a quelque chose de choquant dans le fait que Jésus, sentant sa fin approcher, soit préoccupé de Gloire, de sa Gloire. On aime mieux la 2° partie du texte dans laquelle Jésus livre son testament d’amour, elle nous parait quand même plus conforme à l’idée que nous nous faisons de Jésus. Cherchons à comprendre pourquoi Jésus semblait préoccupé de sa Gloire.
Si nous sommes choqués, c’est parce que, pour nous et pour Jésus, le mot gloire n’avaient pas du tout la même signification. La Gloire qui fait rêver Jésus et qu’il demande à son Père, ce n’est pas la gloire éphémère, la gloire de paillettes et de pacotille après laquelle courent les vedettes et tous ceux qui rêvent de devenir célèbres. C’est même très précisément l’inverse car, en hébreu, quand on parle de la Gloire, on parle de ce qui a du poids, tellement de poids que ça ne passera pas. Autrement dit, quand Jésus dit : maintenant, le Fils de l’homme est glorifié, c’est comme s’il disait : maintenant ma vie va avoir du poids, ce que je vis va tellement compter que ça ne passera jamais, ça ne sera jamais dépassé. Or je vous rappelle que c’est au moment où il est en train de donner sa vie qu’il prononce ces paroles. Autrement dit ce qui va avoir du poids dans sa vie, ce qui restera pour l’éternité, c’est le fait qu’il va donner sa vie par amour.
Du coup, on comprend que cette 1° partie qui pouvait nous sembler choquante, ou en tout cas énigmatique, est très fortement liée à la 2° partie dans laquelle Jésus livre comme son testament. Toutefois, il pourrait nous sembler étonnant que cet appel à l’amour, Jésus en fasse un commandement. Pour nous, l’amour jaillit plutôt d’un élan du cœur. C’est vrai mais dans un sens restreint : l’amour de Julie pour Jules jaillit d’un élan du cœur. Mais là, Jésus parle d’un amour beaucoup plus vaste. Jésus demande que nous nous aimions les uns les autres. Et quelqu’un faisait malicieusement remarquer un jour que Jésus n’a pas dit : aimez-vous les uns les uns ! Il a dit : aimez-vous les uns les autres et ce qui fait problème dans cette demande, c’est justement les autres. Aimer ceux qui nous aiment, aimer ceux qui pensent comme nous, ce n’est pas trop compliqué. Mais ça, ça revient à « aimez-vous les uns les uns » ! Or Jésus dit : aimez-vous les uns les autres ! C’est-à-dire ne choisissez pas qui vous avez envie d’aimer : aimez tous les autres.
Et pour que nous comprenions bien que l’amour des autres, de tous ceux qui sont autres, n’est pas matière à option, n’est pas seulement une pieuse invitation réservée à ceux qui ont spontanément bon cœur, il en a fait un commandement, un véritable commandement. En plus, Jésus ajoute que c’est même cet amour qui permettra d’authentifier ses véritables amis : À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. Vraiment, quand on veut être chrétien, l’amour des autres, de tous ceux qui sont autres n’est pas matière à option !
En continuant le texte, ce qui pourrait nous étonner, c’est que Jésus dise que ce commandement est nouveau. Comment peut-il être nouveau alors que la Loi contenue dans le Premier Testament en parlait déjà ? Oui, c’est vrai que la Loi en parlait, mais Jésus a quand même raison de dire que, dans sa bouche, ce commandement est un commandement nouveau. En effet, c’est par son ampleur qu’il est nouveau. Dans le judaïsme, l’amour des autres restait quand même un amour qui se vivait dans un cercle restreint, le prochain à aimer était le proche assez proche. Jésus fera sauter cette restriction, notamment dans la parabole du bon samaritain. Comme je l’ai dit, il nous demande d’aimer tous les autres, tous ceux qui sont autres. Et il y a un autre aspect qui rend ce commandement nouveau, c’est la démesure dans laquelle il doit être vécu : Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. Toute la nouveauté est dans le petit mot « comme ». C’est un amour vécu sans mesure que Jésus nous commande, un amour allant jusqu’au don de nous-mêmes. St Bernard résumera cela dans une très belle formule en disant que la seule mesure pour l’amour, c’est d’aimer sans mesure !
En entendant tout cela, on aurait vite envie de dire : mais on n’y arrivera jamais, on n’arrivera jamais à aimer comme Jésus, on n’arrivera jamais à aimer ceux qui sont trop « autres » que nous. Oui, c’est vrai, c’est largement au-dessus de nos forces. Et ce constat nous explique pourquoi nous lisons ce texte dans le temps pascal alors qu’il nous rapporte une parole prononcée par Jésus avant sa mort. Le temps pascal, c’est justement ce temps après Pâques qui nous tourne vers la Pentecôte et le don de l’Esprit-Saint.
C’est vrai qu’essayer de vivre ce commandement de l’amour dans l’ampleur que Jésus lui donne est au-dessus de nos forces, mais ce que nous ne pouvons pas réaliser en comptant uniquement sur nos pauvres forces, l’Esprit-Saint peut nous donner la force de l’accomplir. En entendant cela, vous pourriez me dire : mais l’Esprit-Saint, on l’a reçu et on voit bien que ça ne marche pas, qu’il est plus facile de s’aimer les uns les uns, que de s’aimer les uns les autres ! Oui, nous l’avons reçu, mais est-ce que nous le laissons réellement travailler en nous ? Est-ce que nous l’appelons à l’aide quand nous n’arrivons pas à aimer ? L’Esprit-Saint est un fortifiant extraordinaire au sens où il nous rend fort, mais le meilleur des fortifiants, tant qu’on le laisse dans son flacon, il n’a aucun effet ! C’est ça le problème : trop souvent, l’Esprit-Saint que nous avons reçu, nous le laissons dormir dans le paquet-cadeau reçu à notre confirmation, un paquet parfois jamais vraiment déballé ou trop vite refermé.
Par l’intercession de Notre Dame de Laghet, demandons que grandisse en nous le désir de nous laisser renouveler par la puissance du Saint-Esprit afin que l’amour vécu sans mesure soit ce qui donne du poids à nos vies.



