2 novembre : Commémoraison des fidèles défunts

Par Père Roger Hébert

A la fin d’une retraite, j’ai entendu un retraitant, déjà âgé qui disait : grâce à la prédicatrice, j’ai compris qu’il y avait deux moments essentiels dans notre vie, c’est maintenant et l’heure de notre mort … et vu, mon âge, ces deux moments se rapprochent de plus en plus pour moi ! J’espère que nous sommes convaincus que, pour chacune et chacun d’entre nous, quel que soit notre âge, ces deux moments se rapprochent un peu plus chaque jour !

Il nous est bon, même si nous n’aimons pas trop en parler, de réaliser que nous allons mourir. St Jérôme qui avait entrepris ce travail colossal de traduction de la Bible, travaillait avec un crâne posé sur sa table pour lui rappeler que la tâche était immense et que ses jours, qu’il le veuille ou non, étaient comptés, ça l’encourageait à ne pas tomber dans la procrastination ! Je pense que ni vous, ni moi, nous ne travaillons avec un crâne posé sur notre bureau ou sur la cuisine ou sur l’atelier, c’est peut-être d’ailleurs pour cela que nous tombons parfois dans la procrastination ! Alors, pour nous rappeler cette vérité si essentielle que nos jours sont comptés, l’Eglise, chaque année, nous propose cette célébration du 2 novembre.

Certes, au cours de cette célébration, nous honorons le souvenir de nos chers défunts disparus ; nous rendons grâce pour ce que nous avons reçu d’eux, nous les confions aussi à la miséricorde du Seigneur. Et, repensant à certaines de nos relations avec eux, nous pouvons formuler des demandes de réconciliation si nous avons reçu plus de blessures que d’amour. Tout à l’heure, à la place de la prière Universelle, je vous proposerai un temps de silence assez long pour que nous puissions les nommer dans notre cœur, prendre le temps de l’action de grâce ou de la demande de réconciliation.

Et donc, en faisant mémoire des défunts, inévitablement, nous sommes remis en face de la réalité de notre propre mort. Non pas pour que nous commencions à nous affoler, mais pour que nous prenions la vie au sérieux. Il ne s’agit pas de se tourmenter pour notre passé : aucun tourment ne changera rien à notre passé ! J’espère que notre passé, nous l’avons tous remis à la miséricorde du Seigneur, si ce n’est pas encore vraiment fait, ce n’est jamais trop tard !

Et comme chaque jour nouveau, laisse un nouveau passé derrière nous, il faut régulièrement fréquenter la miséricorde. Il ne s’agit pas de chercher à paraitre parfaitement « cleen » devant le Bon Dieu, ce qui nous sauvera, ce ne sont pas nos bonnes actions, c’est le sang que Jésus a versé par amour pour nous. Si nous cherchons à recevoir régulièrement la miséricorde, c’est pour être sans cesse relancé sur le chemin de l’amour, pour ne plus gaspiller le temps qui nous reste, ce temps que le Seigneur, dans sa grande générosité nous accorde, non pas pour que nous puissions devenir parfaits, mais pour que nous nous laissions parfaire par son amour.

C’est vrai que lorsque nous réalisons que notre mort approche ou qu’elle approchera, nous commençons à prendre plus au sérieux le temps qui nous reste à vivre. Pour nous y aider, je voudrais vous lire le témoignage donné par un jeune prêtre de la communauté du Chemin Neuf, le père Loïc, que j’avais eu la joie de connaître, qui est décédé bien jeune puisque, quelques mois après son ordination, on lui a découvert un méchant cancer.

Voilà ce qu’il écrit sur son blog juste après avoir reçu des médecins la terrible nouvelle que le traitement ne faisait pas effet. « Actuellement le plus difficile reste d’entrer dans la réalité telle qu’elle semble évoluer bien vite et mettre à mal bien des projets, bien des désirs. J’entre dans une dépendance assez radicale à l’égard des autres et de Celui qui m’a créé et qui ne laisse rien au hasard dans ce monde. Celui qui a préparé mon arrivée dans le monde est aussi Celui qui prépare mon départ, quel qu’en soit le moment ou les circonstances.

L’annonce d’une espérance de vie qui pourrait être limitée me mobilise intérieurement. Il me semble indispensable de rejeter tout ce qui n’est pas vivant en moi : angoisse, peur, tristesse… Toutes ces choses n’ont pas, n’ont plus leur place en moi. Si elles s’avèrent présentes, il faudra leur livrer bataille car il n’y a pas de temps à perdre pour goûter une vie pleine dans tous ses instants et dans ce qu’elle a de plus beau et de plus grand à m’offrir encore. » 

Je me permets de vous relire ces paroles tellement elles sont fortes. Et, bien évidemment, si elles étaient dites par quelqu’un de bien-portant, elles pourraient être considérées comme de la littérature pieuse, mais écrite par quelqu’un qui vient d’apprendre qu’à brève échéance, il va mourir, elles revêtent une tout autre signification !

Il me semble indispensable de rejeter tout ce qui n’est pas vivant en moi : angoisse, peur, tristesse… 

Toutes ces choses n’ont pas, n’ont plus leur place en moi. Si elles s’avèrent présentes, il faudra leur livrer bataille car il n’y a pas de temps à perdre pour goûter une vie pleine dans tous ses instants et dans ce qu’elle a de plus beau et de plus grand à m’offrir encore. 

Comme j’aimerais, dans les débats qui agitent notre société autour de la fin de vie, que ces paroles puissent retentir. Mobilisons-nous pour accompagner les personnes en fin de vie, pour les aider à rester bien vivantes jusqu’au bout. Et puisque nos jours sont comptés, mobilisons-nous pour nous aider les uns les autres, dans une très grande charité fraternelle, à rejeter, comme le dit le père Loïc, tout ce qui n’est pas vivant en nous, tout ce qui ne nous tire pas vers plus de vie : angoisse, peur, tristesse… pour que toutes ces choses n’aient plus leur place en nous. 

Que nos chers défunts intercèdent pour nous afin que nous puissions les honorer en restant jusqu’au bout des vivants qui aiment la vie et qui la font aimer. Quant au moment de notre mort, ce moment pour lequel nous nous confions si souvent à la Vierge Marie, qu’il ne nous angoisse pas puisque, comme le disait encore le père Loïc : Celui qui a préparé mon arrivée dans le monde est aussi Celui qui prépare mon départ, quel qu’en soit le moment ou les circonstances. Notre Dame de Laghet, priez pour nous, maintenant et à l’heure de notre mort.