27 avril : 2° dimanche de Pâques : voir les marques de la miséricorde pour croire … rien de plus normal !

Par Père Roger Hébert

Thomas, l’apôtre St Thomas, est associé à la plus grande escroquerie planétaire jamais organisée. Ayant dit cela je précise tout de suite deux points pour ne pas que vous soyez trop troublés : d’abord, Thomas n’y est pour rien ; ensuite cette escroquerie n’est pas financière mais spirituelle ! En effet, partout dans le monde, St Thomas est considéré comme le saint patron de ceux qui doutent, sauf, peut-être en Inde dont il est le saint patron, recevant là-bas une vénération à la hauteur de ce qu’il est réellement. Oui, vraiment, faire de Saint Thomas le patron de ceux qui doutent, c’est une escroquerie spirituelle, c’est un détournement théologique ! Si jamais j’étais élu pape, je le déclarerai immédiatement saint patron de tous les croyants d’excellence !

D’où vient cette escroquerie ? De la parole qu’il prononce quand ses collègues apôtres lui annoncent que Jésus est ressuscité et qu’il leur est apparu, c’est là qu’il leur dit : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! » C’est donc cette parole qui a généré ce terrible malentendu alors que pour moi, c’est précisément en raison de cette parole qu’il devrait être proclamé saint patron des croyants d’excellence. Approfondissons quelques instants cette parole pour bien comprendre.

Thomas ne dit pas : je veux le voir, je veux parler avec lui, je veux pouvoir lui serrer la main pour être sûr que c’est bien lui ! Non, il ne dit pas ça, il dit : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! » Autrement dit, ce que Thomas veut voir ce sont les marques de la passion : la trace des clous qui ont percé ses mains et la trace de la lance qui a percé son côté. Pour croire, il a donc besoin de voir les marques de la passion. Et c’est en cela qu’il est le saint patron des croyants d’excellence.

Pourquoi je dis cela avec autant d’insistance ? Pour le comprendre, il faut d’abord être au clair avec ce que fut la passion. Comme, je le disais dans mon homélie du jour des Rameaux, en français, le mot passion, il a deux sens, il évoque la souffrance et il évoque l’amour. En Jésus, ces deux sens ont été réunis puisqu’il a voulu vivre toutes les souffrances qu’on lui infligeait avec amour. C’est dans sa passion de souffrance qu’il a voulu donner la plus grande preuve de son amour pour les hommes : il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime, avait-il dit à ses apôtres.

Ce que Thomas demande donc à voir, ce sont les marques concrètes et visibles de l’amour de Jésus pour lui. Il veut voir que cet amour a bien traversé la mort, que cet amour contenait une puissance de vie que rien ne pouvait définitivement arrêter. C’est ce qu’il doit voir pour croire et ça, c’est une démarche extrêmement juste, extrêmement belle. Comment croire si nous ne faisons pas l’expérience que nous sommes aimés de manière inconditionnelle par le Seigneur ? Sans cette expérience, on peut éventuellement végéter dans une foi qui serait juste une adhésion intellectuelle à des principes et à des valeurs, mais on ne peut pas devenir des croyants enflammés désireux de répandre le feu de l’amour dans le monde. Autrement dit, c’est l’expérience de la miséricorde qui fera de nous de vrais croyants, des croyants enthousiastes. En mettant ses doigts dans la marque des clous et sa main dans la marque de la lance, c’est cette expérience de la miséricorde que Thomas veut pouvoir faire à nouveau. Sa foi a été malmenée par tous les événements vécus, une seule chose pourra la ressusciter, voir toucher l’immense miséricorde de Jésus.

Vous le voyez, ce n’est pas un hasard si, chaque année, le 2° dimanche de Pâques, nous lisons cet Evangile avec le témoignage de Thomas et si ce dimanche est appelé dimanche de la divine miséricorde. il nous dit que, nous aussi, nous avons besoin de faire et refaire sans cesse l’expérience de la miséricorde si nous voulons rester, devenir des croyants au cœur enflammé. Seul le contact avec le cœur brûlant du Seigneur, brûlant de miséricorde pourra nous faire sortir de notre tiédeur. Notre monde qui crève du froid de l’indifférence, de la violence, du consumérisme et de tant d’autres maux a plus que jamais besoin de témoins au cœur brûlant. Merci Thomas de nous le rappeler d’une manière particulièrement forte en ce jour, dimanche de la miséricorde.

Et si Jésus dit dans l’Evangile : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. » Je suis sûr que ce n’est pas pour le plaisir de me contredire ! Il faudrait entendre l’intonation avec laquelle Jésus a prononcé ces paroles, je pense qu’il l’a dit avec un ton qui permettait de comprendre ceci : Parce que tu as vu les marques de mon amour pour toi, tu crois, c’est bien, c’est ça la foi, maintenant, il y aura des superchampions qui, eux, pourront croire sans avoir vu ces marques, bravo à eux, heureux sont-ils, mais tout le monde ne peut pas être champion !

Comment, en ce jour, ne pas évoquer aussi le souvenir de notre bien-aimé pape François dont les funérailles ont été célébrées hier ? S’il y a un mot qui peut résumer son pontificat d’un point de vue spirituel, c’est bien celui de « miséricorde ». Assez vite, après son élection, il avait voulu ouvrir cette année de la miséricorde en 2015-2016 pour qu’il soit clair que la feuille de route qui définit la mission de l’Eglise, l’unique mission de l’Eglise, ce soit la miséricorde. Jean-Paul II avait prononcé cette très belle parole en annonçant le grand jubilé de l’an 2000 : Nul ne doit être exclu de l’accolade du Père. François a voulu que cette parole ne reste pas une parole et tous les gestes forts qu’il a posés, dont certains ont dérangé, visaient à incarner cette parole. Car le problème, c’est que dans l’Eglise, nous ne manquons pas de belles paroles, de beaux textes, mais ceux qui sont ou qui se sentent exclus, des paroles ne leur suffisent pas, ils espèrent plus, ils attendent des gestes concrets, des gestes engageants. François les a posés ! Merci Seigneur de l’avoir donné à notre Eglise. J’aime cette parole de Malraux qui disait que la plus belle sépulture des morts, c’est le souvenir des vivants. Bien-aimé pape François, nous vous garderons donc dans la plus belle des sépultures en vous gardant dans nos souvenirs et même mieux en continuant à faire fleurir ce que vous avez semé en vous donnant jusqu’au bout.

Esprit-Saint éclaire maintenant les cardinaux qui vont se réunir en conclave pour élire le successeur, qu’aucune considération partisane de quelque nature qu’elle soit n’entre en ligne dans ce choix. Par leur vote, Seigneur, donne à ton Eglise, le pape dont elle a besoin aujourd’hui. C’est à ton intercession, Notre Dame de Laghet, que nous confions cette intention.