6 octobre : 27° dimanche ordinaire
Ce texte d’Evangile inquiète toujours les prédicateurs quand ils doivent les commenter ! En effet, dans l’assemblée que nous formons, je ne connais pas les situations de chacun et il est bien possible que, parmi nous, aujourd’hui, il y ait un certain nombre de personnes qui ont vécu ou peut-être subi, ce tsunami du divorce. Je dis tsunami car le divorce vient souvent anéantir, non seulement les relations conjugales, mais aussi les relations familiales et encore amicales et parfois même professionnelles. Alors, parler de manière juste pour rejoindre ces personnes sans rajouter une blessure supplémentaire à leurs innombrables blessures n’est jamais évident. D’ailleurs, parmi les personnes qui ont vécu ce tsunami du divorce, certaines ne veulent plus aller à l’église parce qu’elles n’en peuvent plus d’entendre des discours moralisateurs qui les jugent. Et le pire dans tout ça, c’est que, parfois, ces discours moralisateurs de condamnation ont été prononcés par des hommes d’Eglise qui avaient en secret un comportement tellement plus déviant. Je demande donc pardon par avance à celles et ceux qui pourraient se sentir blessés par mes paroles.
Nous devons toujours redire que Jésus n’est pas venu faire la morale, il est venu délivrer une bonne nouvelle. J’emploie volontairement ce verbe « délivrer », car Jésus est venu « délivrer » une Bonne Nouvelle qui « délivre » qui libère. Cette Bonne Nouvelle, elle doit donc pouvoir rejoindre toutes les personnes, même et particulièrement celles qui vivent des situations compliquées, ou même parfois carrément tordues. Certes, Jésus ne bénit pas toutes les situations, mais il bénit toujours les personnes, toutes les personnes et particulièrement celles qui vivent ces situations compliquées.
Dans cet Evangile, soyons clairs, Jésus ne parle pas directement du divorce. Il y a pourtant cette terrible sentence que nous avons entendue : « Celui qui renvoie sa femme et en épouse une autre devient adultère envers elle. Si une femme qui a renvoyé son mari en épouse un autre, elle devient adultère. » Rappelons-nous toujours que Jésus a dit qu’il n’était pas venu juger mais sauver, alors comment comprendre cette parole ? D’abord, il faut remarquer que Jésus vise ceux qui renvoient et pas ceux qui subissent ou qui doivent partir pour préserver leur vie, leur équilibre. Ensuite, qu’est-ce que Jésus veut dire quand il parle d’adultère ? Pour le comprendre, je vous raconte cette histoire : un jour, au catéchisme, les enfants lisaient, avec leur catéchiste le texte de la femme adultère. Un enfant a demandé ce que ça voulait dire : femme adultère. La catéchiste, embarrassée a demandé si parmi les enfants du groupe, il y en avait un qui pourrait expliquer. Et l’un des enfants a dit : une femme adultère, c’est une femme qui commet un péché d’adulte ! Il avait parfaitement répondu ! Et les enfants sont souvent les premiers à souffrir des péchés des adultes, qu’il s’agisse de l’adultère ou de tant d’autres péchés.
D’ailleurs, vous avez sûrement remarqué que le texte d’Evangile se terminait par cette parole forte de Jésus, invitant tous ceux qui l’avaient questionné sur le divorce à ressembler aux enfants, c’est-à-dire à ne plus commettre des péchés d’adultes qui font tant souffrir les enfants. Et Jésus a béni, imposé les mains, embrassé les enfants qui étaient là comme pour essayer de réparer, par un surcroit d’amour, les blessures causées par les péchés des adultes.
Ainsi donc, Jésus a très bien su se sortir du piège que lui avaient tendu les pharisiens. Eux, ils auraient aimé que Jésus parle du divorce, disons plutôt de la répudiation qui était le mot utilisé à l’époque. Et surtout ils auraient aimé que Jésus cautionne leur attitude lamentable. En effet, ce qui est terrible, c’est que, dans la question des pharisiens, la femme n’est absolument pas prise en compte, ils demandent : « Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? » Pour les pharisiens, c’est clair, seul l’homme peut décider de l’avenir de son couple. Et ils ne se privaient pas de le faire en renvoyant leur femme pour des motifs extrêmement futiles. S’ils estimaient que leur femme ne faisait pas suffisamment bien à manger ou qu’elle servait des plats pas suffisamment chauds, ils pouvaient la renvoyer. Et c’est cela qu’ils demandent à Jésus de cautionner. C’est donc très clair, par sa réponse, Jésus a refusé de cautionner cette attitude machiste.
D’ailleurs la manière dont la question était formulée a dû faire sursauter Jésus, il en a été tellement étonné qu’il leur demande : « Que vous a prescrit Moïse ? » Et, là, les pharisiens vont réussir un tour de force : ils vont détourner la loi pour servir leurs propres intérêts. Ils répondent : « Moïse a permis de renvoyer sa femme à condition d’établir un acte de répudiation. »
En fait, Moïse n’a jamais permis une telle chose ! En effet, à aucun moment, dans la loi, il n’est écrit que l’homme, c’est-à-dire le mâle, pourra renvoyer sa femme ! La loi, elle s’est seulement prononcée pour dire ce qu’il fallait faire lorsque cette situation arriverait malgré tout. Et, dans ces conditions, la Loi cherchera à protéger la femme qui sera fortement affaiblie par la décision de son mari. C’est l’une des fonctions essentielles de la loi : protéger les faibles ; c’est pour cela qu’il fallait que l’homme écrive ce billet de répudiation qui devait permettre aux femmes abandonnées de ne pas être une proie facile pour les hommes en recherche d’aventures.
Vous le voyez, Jésus refuse d’entrer dans ce débat sur le permis/défendu, ce débat ne l’intéresse pas. C’est pourquoi il rappelle, et ça ne sera pas à l’avantage des pharisiens que tout ce qui se trouve dans la loi à propos de la répudiation s’y trouve en raison de la dureté du cœur des hommes, des mâles. Comme à son habitude, Jésus va sortir de ce débat empoisonné par le haut. Pour cela, il va délivrer une extraordinaire catéchèse sur le couple, un enseignement qui s’appuiera sur le texte du livre de la Genèse que nous avons lu dans la 1° lecture et que le Saint Pape Jean-Paul II a merveilleusement bien développé dans ses catéchèses sur le mariage.
Par l’intercession de Notre Dame de Laghet demandons de ne pas être tentés de commettre ces péchés d’adultes qui font souffrir les enfants.²