Le sanctuaire de Laghet, « le petit Lourdes du Midi »
et « le Saint de Toulouse », brancardier des âmes…

Avant de présenter l’ex-voto du mois, nous invitons les lecteurs de cette rubrique à consulter le riche programme proposé par le sanctuaire durant l’été 2024 (1).

Haltes spirituelles avec Marie, temps de Re-connexion avec Dieu, Adoration du Seigneur la nuit, session Art et Prière, et deux temps forts. Pour ceux qui veulent se nourrir du Pain de la Parole, du 12 au 16 juillet, « Retraite biblique avec le prophète Elie » animée par notre recteur, le père Roger Hébert qui vient de fêter ses 40 ans de sacerdoce et qui a souhaité ce temps « préparatoire » à « Notre-Dame du Mont Carmel » notre fête patronale ; le 6 août, solennité de la Transfiguration du Seigneur et, du 12 au 18 août, autour de l’Assomption, invitation à passer une « Semaine sous le manteau de Marie ».

A Laghet la période estivale c’est l’occasion pour les pèlerins d’un jour ou de toujours d’approcher la collection de tableaux votifs qui se décline sur les murs du cloitre au Musée ou dans la crypte comme ce bel ex-voto vertical.

Datable des années 70, cette huile sur bois avec sa palette vive et son style naïf exprime avec talent la grâce qui coule en ces lieux. A l’arrière-plan de la composition, signée « J. Taousson », se dresse, sur un fond de verdure éclatante, la chapelle avec son gracieux clocher et les bâtiments du sanctuaire. Au premier plan et au centre, soutenue par une généreuse nuée, voici l’effigie de Notre-Dame de Laghet avec l’Enfant-Jésus. L’artiste peintre s’est peut-être inspiré de la carte postale ancienne que nous joignons en illustration.

La dédicace, « Merci à Notre-Dame de Laghet » figure sur le fronton néo-classique sous une croix pattée posée sur une sphère évoquant une hostie. Cette disposition nous rappelle que les grâces et la dévotion à la Vierge-Marie, conduisent à Jésus, source de la grâce… ce que ne démentirait pas le R. Père Marie-Antoine de Lavaur, un capucin hors du commun, que nous allons évoquer à présent.

Alors que les coureurs qui relaient la Flamme Olympique depuis la Grèce, viennent de traverser notre région, Villefranche-sur-Mer, Grasse, Cannes, Valberg, Antibes, La Colmiane, Nice et la Principauté de Monaco… comment ne pas évoquer un marathonien de la foi, le R. Père Marie-Antoine de Lavaur, au civil Léon Clergue (1825-1907).

Ce capucin, prédicateur hors normes, fut un champion toutes catégories pour « ramener les fidèles au coeur de Dieu ». Originaire du Sud-Ouest ce colosse à longue barbe, robe de bure, coeur ardent et parole de feu, prêcha durant 50 ans dans sa province apostolique de Toulouse mais également à Nice, le Moyen-Pays et en particulier à Laghet. A l’instar de la torche de la Flamme Olympique, allumée aux rayons du soleil captés au centre d’un miroir parabolique dans le Temple d’Héra à Olympie, que le coeur brulant de zèle pour le Seigneur du père Marie-Antoine enflamme le nôtre aujourd’hui !

Ce prédicateur à l’avant-garde de la Nouvelle Evangélisation, que la vox populi appelait depuis l’âge de 40 ans « le Saint de Toulouse », prêcha sa vie durant la dévotion à la Vierge-Marie.

Athlète de haut niveau il ramena des milliers d’âmes à la foi, des gens issus de toutes conditions sociales. Ses biographes attestent qu’il serait à l’origine de la très populaire procession aux flambeaux sur les parvis de la Grotte de Lourdes en 1874, de la prière nocturne, de neuvaines et de la procession du Saint Sacrement, du chemin de Croix, de la procession des malades… Un demi-siècle durant il prêcha des retraites à un rythme étonnant. Missionnaire dans l’âme, il drainait des foules considérables, allant jusqu’à attendre les pèlerins à la gare de Lourdes, pour les conduire, en personne, au Rocher de Massabielle chanter les gloires de Marie !

Il eut le privilège de s’entretenir et de donner la communion en juin 1858 à Bernadette, juste avant la dernière apparition de la Vierge-Marie. Il prêcha à plusieurs reprises au sanctuaire de Laghet dans les années 1870-90. Sa biographe, Jacqueline Baylé (2), qui a reconstitué le périple du capucin pas à pas, nous a confié en 2018 un fait étonnant. Voici l’anecdote.

En mai 1888, la vicomtesse du Pouy qui habite Rome, se rendant à Lourdes en train, s’arrête à Nice pour se confesser. Elle retrouve le père Marie-Antoine à la date convenue en la cathédrale Sainte-Réparate et, après la confession, s’éloigne dans la nef pour prier et rendre grâces. Lorsque son époux entre à son tour au confessionnal il n’y trouve personne ! Interloqué… il interroge le sacristain qui lui assure « qu’à cette même heure le père Marie-Antoine ne peut se trouver dans les lieux et qu’il ne rentrera que le soir, puisqu’il est en train de prêcher le « Mois de Marie » au sanctuaire de Laghet… ». Il s’agit manifestement d’un cas de bilocation (3) du capucin pionnier du Pèlerinage de Lourdes, qui prêcha plus de 700 missions dans le Sud-Est en particulier à Laghet le « petit Lourdes du Midi » comme disait volontiers ce thaumaturge qui rendit la vue à une mère de 3 enfants devenue aveugle. Sa cause de canonisation fut introduite dès 1928 à Toulouse et le 23 janvier 2020 le pape François a signé le décret reconnaissant l’héroïcité de ses vertus, octroyant ainsi au père Marie-Antoine de Lavaur le titre de « Vénérable ».

Ce digne fils de Saint François d’Assise qui confessait jusqu’à l’épuisement était aussi une plume. Il a composé des petits ouvrages spirituels, des chants de Noël, des neuvaines à la Vierge-Marie et au Sacré coeur de Jésus (4). Dans un de ses classiques intitulé « Le Lis immaculé », il évoque la grâce que le chrétien doit solliciter : « La prière. Principe vital, l’essence même de la vie spirituelle, la prière est le moyen unique donné par Dieu à l’homme pour s’unir à Lui, principe et source de toute vie ». La prière, en particulier le Rosaire, et la vie sacramentelle permettent de s’aventurer dans ce combat qui s’exerce non pas contre un ennemi de chair avec des drones et des missiles… mais contre des esprits, les puissances et les dominations de ce monde et de la chair qui nous laissent sans répit… Le père Marie-Antoine de répéter lors des prêches : « L’homme est fait pour la foi » reprenant à sa manière le constat de Saint Augustin qui a longtemps cherché Dieu dans ses créatures, la philosophie, la connaissance : « Tu nous a fais pour toi Seigneur et notre coeur est sans repos tant qu’il ne repose pas en toi » .

 Dans un monde en ré-armement permanent… en proie à la défense de son ego, son petit moi, il serait utile de prier l’Esprit Saint d’incliner notre coeur à plus d’humilité. Et le chemin de conversion ne se parcourt pas à la force du poignet, sur ses propres « énergies » comme le laisse entendre la civilisation prométhéenne dans laquelle nous vivons. Ici pas de podium, pas de record du monde, pas de star… c’est dans la faiblesse, le manque, la sueur et les larmes que le chemin se déroule. Nous courons sur cette piste étroite, soutenus et dopés -oui le dopage est ici autorisé !- à l’infinie Miséricorde du Coeur de Jésus, mais avec parfois le sentiment angoissant de l’absence de Dieu. Ce qui fit dire à la Madre, Sainte Thérèse d’Avila, patronne du Carmel Réformé : « De la manière que vous traitez vos amis, Seigneur, je comprends que vous n’en ayez pas beaucoup ! ».

Si parfois nous nous sentons en butte à la contradiction songeons aux paroles du pape Jean-Paul II qui a prophétisé les grands combats spirituels auxquels l’Eglise est confrontée :

« Le chemin de l’amour selon le Christ est un chemin difficile, exigeant. Il nous faut être réalistes. Ceux qui ne vous parlent que de spontanéité, de facilité, vous trompent. La maîtrise progressive de notre vie, apprendre à être celui que Dieu veut, demande déjà un effort patient, une lutte sur nous- mêmes. Soyez des hommes et des femmes de conscience. N’étouffez pas votre conscience, ne la déformez pas, appelez par leur nom le bien et le mal. Inévitablement vous connaîtrez les contradictions d’une société dont on connait bien les vices. Sans se départir de la charité, mais avec courage, il nous revient d’abord de construire en nous-mêmes, la forme de société que nous voulons pour demain. La foi est un risque » (5).

Allez ! Courage et confiance ! Ne nous arrêtons pas aux désordres et péripéties temporels, puisons des forces spirituelles dans la Chambre Haute avec Marie. Depuis des siècles, à l’intercession de Notre-Dame de Laghet, l’Amour nous attend en ce lieu béni. « Dieu n’impose rien… il appelle » (6).  Alors, si notre âme a soif de paix, de vérité, de réconciliation, accordons- nous cet été un temps de pause, de silence… laissons-nous visiter par l’Amour. Le Père de toute Miséricorde a envoyé son Fils unique, le Christ, non pour juger mais pour sauver l’homme tout entier. Laissons-nous regarder par l’Amour. Le regard de Jésus éclaire les yeux, ouvre les coeurs au Mystère et vient nous délivrer de nous-mêmes ; il nous révèle parfois notre vocation comme dans cette scène d’Evangile.

Lors de leur première rencontre Jésus regarde en silence André, Simon, Nathanaël et les autres disciples. A leur tour ils le regardent, l’écoutent. Et tout s’accomplit… Le regard de Jésus nous ouvre aux réalités « d’en-haut », comme pour Jean, l’Evangéliste, que Jésus invitait partout « à le suivre » en dépit des protestations d’autres apôtres. Jean dont la plume nous conduit aux sources de la vie spirituelle a écrit pour notre temps : « Moi, j’ai vu, et je rends témoignage : c’est lui le Fils de Dieu ». Jean le théologien a souligné toute la valeur de la Croix et de la présence de Marie. Et Simon, le pêcheur du lac de Tibériade au caractère impétueux ? Aurait-il pu imaginer ce jour-là que l’appel de Jésus lui confierait les clés, la charge pastorale de l’Eglise et le configurerait au Christ par le martyre à Rome ? : « André amena son frère à Jésus. Jésus posa son regard sur lui et dit : « Tu es Simon, fils de Jean ; tu t’appelleras Kephas – ce qui veut dire : Pierre. « Et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle » (7).

« Je Suis la vigne vous êtes les sarments : celui qui demeure en moi
et, en qui je demeure, celui-là portera du fruit en abondance car,
en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire ».
Evangile de Jésus-Christ selon Saint Jean 1, 42

Commentaire : Patrizia Colletta, « Médiation, Art & Foi »

Notes : (1) sanctuaire-laghet.fr, cliquer sur « Agenda » ; (2) Jacqueline Baylé, « Le Saint de Toulouse s’en est allé… », chez Témoins de Vie, 2010 (Amazon, La Procure, la Fnac) ; (3) Bilocation : la faculté pour certains saints, comme Padre Pio, de se trouver en plusieurs endroits en même temps ; (4) Prières, neuvaines et écrits du père Marie-Antoine, aller sur le site de l’Apma, l’association de Toulouse, fondée par Jacqueline Baylé, qui entretient sa mémoire : a.p.m.a.free.fr et marieantoine.com. Deux sites d’une grande richesse documentaire et autorisés ce qui n’est, pas le cas d’un groupe sectaire en marge de l’Eglise qui a récupéré la figure du père Marie-Antoine. Nous appelons au discernement ! (5) Pèlerinage Apostolique à Lourdes, lundi 15 aout 1983, Discours du pape Jean-Paul II aux jeunes dans la Basilique Saint Pie X, sur vatican.va  ; (6) Nathalie Nabert, Doyen honoraire de la Faculté des Lettres de l’Institut Catholique de Paris, spécialiste des Chartreux, citant sur KTO le Dr Françoise Dolto ; (7) Kephas = le « roc » en Araméen, AELF Evangile selon saint Jean 1, versets 34 et 42, puis Saint Mathieu 16, 18.