L’ex-voto du bachelier de 1930
à la « Vierge Mère trésorière auprès de Dieu de toutes les grâces »…

En cette période de rentrée scolaire 2024 quoi de plus naturel que de proposer aux amateurs de cette rubrique un ex-voto de bachelier ? Celui que nous découvrons aujourd’hui est exceptionnel. D’abord parce qu’il est le plus ancien de la catégorie « Etudes » du sanctuaire qui, de la crypte au cloitre en compte 37, datés de 1930 à 1997 (1), ensuite, parce que la famille du jeune bachelier qui a offert ce tableau votif entretenait des relations privilégiées avec de hauts représentants de l’Eglise catholique !

La composition, une aquarelle sur papier de 24 sur 28 cm, parfaitement conservée, montre une scène de la vie scolaire le jour d’un examen. La palette aux tons pastels, rose  et gris-bleu, ne dit rien de la tension qui règne à cet instant entre un examinateur, qui nous fait face, bien calé dans son fauteuil, mains sur les genoux en attente des réponses d’un élève pour nous de trois quarts. Malgré la solennité de l’instant le jeune homme, qui pose devant un énorme tableau noir avec des figures géométriques et une équation, montre une allure passablement décontractée. Avec sa haute silhouette en costume sombre, il tient avec élégance un bâton de craie dans sa main droite alors que sa main gauche émerge de la poche de son pantalon. Seule la teinte de son visage, en l’occurrence très pâle, trahit le trac, la difficulté du moment… La dédicace au bas du tableau : « BACCALAUREAT 1930 – Henry Vandesmet » nous rassure tout à fait, il réussira son examen et sera déclaré bachelier à l’issue des épreuves. Malgré l’absence de représentation de la Vierge de Laghet, cet instant réunissait le coeur de deux mères, celui de Jeanne Vandesmet de Capol, la mère du jeune homme, qui signa avec discrétion en bas à droite de la composition « J.V. de C. » et le coeur de Notre-Dame de Laghet à qui fut offerte cette action de grâces en 1930. Malgré les nombreuses archives consultées sont restées muettes sur le pourquoi du dépôt de cet ex-voto ici, au Sanctuaire de Laghet.

Toutefois, la Généalogie nous donnera la clé de l’assurance de ce jeune homme à peine âgé de 18 ans qui après son Bac entreprit des études d’Ingénieur pour, quelques années plus tard, prendre la Direction d’une des plus importantes usines d’industrie textile de France, la Filature Vandesmet, fondée par son grand-père en 1852, dans le Nord. Voici la photo des bâtiments qui se trouvaient rue de la Gare à Watten près du canal de la Reninghe. Les Vandesmet, « filateurs et tisseurs de jute et textile de verre » de père en fils sur quatre générations firent la prospérité de la ville et leur fortune dans l’exploitation du chanvre à Madagascar, le tissage et l’exportation de leur production de fibre de lin dans le monde avant d’être repris par Boussac Saints Frères qui fermera à son tour en 1977.

 Ancrés à la fois dans les Hauts de France et dans la région d’Angers, en Maine-et-Loire, et de par leur milieu social les Vandesmet sont appelés à fréquenter des industriels de renom, des ingénieurs, des ambassadeurs jusqu’en Lettonie, des personnalités du gotha international, du monde de la Diplomatie, des Arts et… même du Vatican ! Ce n’est que tout récemment, en reprenant le dossier « Vandesmet » car, pour paraphraser Nicolas Boileau, il nous arrive de « nous hâter lentement, et, sans perdre courage, vingt fois sur le métier de remettre notre ouvrage »… que nous avons eu la grâce de faire une découverte intéressante que nous sommes heureux de partager.

En consultant un extrait des actes de mariage de Monsieur Henry Vandesmet avec Mademoiselle Denise Doyen, fille d’un ancien consul général de France, nous avons découvert les liens d’amitié que la famille Vandesmet entretenait avec des représentants du Vatican. Sur ce document il est indiqué que le mariage eut lieu le 19 septembre 1934 « En l’église Saint-Pierre du Gros-Caillou dans le VIIè arrondissement de Paris… et qu’à cette occasion le comte Franco Ratti, neveu du pape Pie XI, avait pu transmettre aux deux jeunes époux la bénédiction que Sa Sainteté avait daigné leur accorder » (2). Une photo de presse est jointe à ce document montrant le visage rayonnant des jeunes mariés âgés de 22 et 20 ans. Henry Vandesmet (1912-1996) et son épouse Denise-Lucie Doyen (1914-2009) partagèrent tous les instants de la vie d’un couple et, en fervents catholiques, eurent la grâce d’accueillir 9 enfants. Sur le tard ils se retirèrent dans leur propriété de Rochefort-sur-Loire, dans le Maine et Loire, où nombre de leurs descendants vivent encore aujourd’hui.

 Au décours de l’étude de cet ex-voto nous avons eu la surprise de découvrir les liens privilégiés, qu’entretenait avec la France, Ambrogio Damiano Achille Ratti (1857-1939), Archevêque de Milan devenu pape en février 1922 sous le nom de Pie XI. Originaire d’une famille de petits industriels lombards de Desio, avec un père « filateur » de la même génération que le grand-père de Henry Vandesmet, Pie XI est un pape dont la mémoire s’est un peu effacée. Il fut pourtant un grand pape, dans des temps difficiles, doté d’une forte énergie doublée d’une excellente érudition. Ce prêtre et théologien posa tout au long de son pontificat des gestes forts comme les Accords de Latran restituant les limites et l’autorité aux Etats du Vatican, la restauration de la mémoire et la canonisation de nombreux martyrs de la Révolution Française, la canonisation de Bernadette Soubirous, Jean Bosco, Thérèse de Lisieux dont il avait reçu une grâce de guérison, Madeleine-Sophie Barat ou encore Jean-Marie Vianney, curé d’Ars devenu en 1929 « le patron céleste des curés de tout l’univers »(3). Rappelons que la relique du Saint Curé d’Ars a été vénérée ici au Sanctuaire de Laghet en février 2010 avec, pour accompagnateur, le père Roger Hébert devenu treize ans plus tard le Recteur de notre sanctuaire.

 Et puisque nous évoquons encore aujourd’hui un ex-voto de la collection du sanctuaire de Laghet, nous voudrions souligner la dévotion profondément mariale du pape Pie XI. En effet, quelques semaines à peine après son élection sur le siège de Pierre, fut énoncée la première Lettre Apostolique du nouveau pape intitulée « Galliam Ecclesiae Filiam primogenitam ». Par ce document le pape Pie XI voulut accomplir le voeu de son prédécesseur Benoit XV qui n’eut pas le temps de concrétiser car rappelé à Dieu. Ce document proclame officiellement que « le royaume de France est le royaume de Marie » et qu’à ce titre la Vierge Marie dans son Assomption est la Patronne principale de la France, fille aînée de l’Eglise, confirmant ainsi le Voeu de Louis XIII en 1638. Dans le même texte il est dit que « la patronne secondaire est Jeanne d’Arc, elle qui s’envola au ciel en prononçant le nom de Jésus et Marie » (4).

En ces temps de perte de repères qui sont les nôtres, malgré les vents contraires, laissons monter notre prière avec confiance vers Notre-Dame de Laghet, allons à Jésus par Marie et venons la remercier dans son sanctuaire pour son intercession depuis des siècles ici à Laghet et ne doutons pas, comme le rappelait le Pape Pie XI dans sa Lettre Apostolique de 1922, que « La Vierge Mère en personne, trésorière auprès de Dieu de toutes les grâces, a semblé, par des apparitions répétées, approuver et confirmer la dévotion du peuple français ». Or, nous le constatons chaque jour, être chrétien dans le monde aujourd’hui n’est pas chose aisée. Pour ceux qui se sentiraient « décalés » en raison de leur témoignage de foi, qu’ils reçoivent les grâces de consolation nécessaires en relisant l’Exhortation Apostolique du Pape François sur « l’Appel à la sainteté dans le monde actuel » « GAUDETE ET EXSULTATE » (5) qui débute avec les paroles que Jésus adressa aux foules dans le discours des Béatitudes : « Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! ». Long discours sur la montagne, dans l’Evangile de Mathieu, qui se termine par le verset (Mathieu 5,17) que montre l’Enfant Jésus de la statue de Notre-Dame de Laghet :

« Je ne suis pas venu abolir… mais accomplir ».

 

Commentaire : Patrizia Colletta, « Médiation, Art & Foi »

Notes : (1) Sont présents au sanctuaire 37 ex-voto sur le thème des « Etudes » sur une période allant de 1930 à 1997 : 1 Certificat d’Etudes, 3 BEPC, 7 Baccalauréat, 1 Licence, 1 Ingénieur, 1 Brevet de Pilote d’hélicoptère, 1 Admission au lycée, 1 CAP, Apprentissage bijouterie, 1 Examen de Chimie, 10 Divers, 13 sans précision, Chapitre 8 in « Les Ex-Voto de Laghet. Un mémorial entre Ciel et terre », Patrizia et Gérard Colletta, Serre Editeur Aspeam, Aout 2021, à la Librairie du sanctuaire ; (2) in Excelsior Paris -1943), Informations détaillées, Extrait 2, Mariages », une photo, de Presse des jeunes époux ; (3) Lettre Apostolique « Anno Iubilari » ; (4) sur Internet « Lettre Apostolique « Galliam Ecclesiae filiam primogenitam», énoncée le 2 mars 1922 lors de la première année du Pontificat du Pape Pie XI ; (5) Exhortation apostolique « GAUDETE ET EXSULTATE », du pape François, sur l’appel à la sainteté, du 19 mars 2018 in vatican.va. On peut relire en entier Mathieu, chapitre 5.