C’est le Mois de Marie, c’est le mois le plus beau ! Ces paroles d’un ancien chant célèbre évoquent bien ce 1er mai au sanctuaire de Laghet. Voici l’homélie du Père Roger Hébert, recteur, en ce jour :
POURQUOI LE MOIS DE MAI EST-IL ASSOCIÉ À MARIE ?
1/ Réflexion historique
Il est difficile de dire précisément pourquoi le mois de mai est associé à la Vierge Marie. Le mois de mai ne comporte pas traditionnellement une grande fête mariale comme les mois d’août ou de décembre. Ce n’est que depuis la réforme liturgique de 1969 que la Visitation est fêtée le 31 mai. Il ne faut donc pas aller rechercher une explication du côté du cycle liturgique. Quand on fait des recherches, on se rend compte qu’il y a 3 types de raisons, elles sont d’ordre historique, populaire et ecclésiale, et enfin spirituel.
- Commençons par le plan historique.
Le fait d’attribuer un culte particulier à chaque mois était une habitude romaine. Le nom de chaque mois correspondait à une divinité du panthéon païen de l’antiquité qui était particulièrement vénérée ce mois. Je vous donne la liste : Janus en janvier, Februa dieu de la mort chez les étrusques en Février, Mars Dieu de la guerre en Mars, Aphrodite pour Avril, Maiai déesse de la fertilité et du printemps pour Mai. Les autres n’étaient pas citées dans l’article que j’ai consulté ! En dédiant un mois à Marie, l’Eglise aurait donc christianisé une coutume païenne … elle l’a fait bien des fois et ça peut avoir du sens car lorsque vous voulez supprimer un culte, si vous ne le remplacez pas il risque de revenir, la nature ayant horreur du vide.
- Le plan populaire et ecclésial.
Au XIII° siècle, le roi de Castille, Alphonse X le Sage (1239 + 1284), avait associé dans un de ses chants la beauté de Marie et la beauté des fleurs au mois de mai. Au siècle suivant, de nombreuses communautés se sont mises à honorer Marie par des dévotions particulières. Je vous en donne quelques exemples :
- Le bienheureux dominicain Henri Suso (milieu du 14° siècle), qui a popularisé la dévotion du Saint Nom de Jésus, avait pris l’habitude de tresser des couronnes pour les offrir à la Vierge, au premier jour de mai, puisque les fleurs abondaient.
- En 1549, un bénédictin, V. Seidl, publia un livre intitulé le mois de mai spirituel, alors que saint Philippe Néri exhortait les jeunes gens à manifester un culte particulier à Marie pendant le mois de mai où il réunissait les enfants autour de l’autel de la Sainte Vierge pour lui offrir, avec les fleurs du printemps, les vertus qu’il avait fait éclore dans leurs jeunes âmes.
- Au XVII° siècle, à Cologne, les élèves des Jésuites pratiquaient déjà, au mois de mai, des exercices de piété en l’honneur de Marie.
- Fin du 17° ce sont des capucins qui vont populariser ce mois de mai. Puis, fin du 18° les père camilliens vont aussi appoorter leur contribution.
- Enfin, c’est le 21 mars 1815 que le pape Pie VII donnera officiellement un encouragement pontifical à la dévotion au Mois de Marie. Avec cet encouragement officiel, les manuels de dévotion mariale vont se multiplier pour soutenir et encourager cette dévotion particulière.
- Venons-en au plan spirituel.
Comme le dira le Concile Vatican II, Marie est la première créature sainte et sauvée par le Christ qui nous appelle maternellement à la suivre. Cette espérance est traduite concrètement dans le mois de mai qui est le mois de toutes les espérances avec la nature qui éclate de beauté après la tristesse de l’hiver.
En plus, le mois de mai est riche en fêtes chrétiennes. En effet Mai commence dans le temps pascal, ensuite, il nous invite à fêter l’Ascension, puis la Pentecote et selon les années la Sainte Trinité et le Saint Sacrement. Comme nous allons le voir, Marie accompagne ces fêtes, elle nous encourage à les vivre dans la foi.
Le choix du mois de Mai pour honorer Marie s’est donc imposé progressivement comme une évidence spirituelle et populaire.
2/ Réflexion plus théologique
2.1 La vie de Marie, un pèlerinage dans la foi
Dans le texte du concile Vatican II, la constitution Lumen Gentium qui parlera de la place de Marie dans l’histoire du Salut, il y a une expression que j’aime beaucoup. Au n° 58, le concile va parler de la vie de Marie comme « d’un pèlerinage dans la foi. » C’est-à-dire que Marie a dû, comme nous avancer dans la foi. Est-ce que la foi est toujours évidente, facile pour vous ? Si c’est le cas, vous avez bien de la chance et remerciez le Seigneur parce que c’est une grande grâce qu’il vous fait ! En présentant la vie de Marie comme un pèlerinage dans la foi, le concile Vatican II va donc nous dire que Marie doit être particulièrement priée quand notre chemin de foi devient difficile, quand le chemin de foi de ceux que nous aimons devient difficile.
Dire que Marie a dû avancer dans la foi, ce n’est sans doute pas évident et spontanée pour tous les catholiques. Un certain nombre pensent que Marie jouissait quasiment de toutes les prérogatives divines, elle savait tout, comprenait tout ou pire ne se posait jamais de questions. C’est en raison de ces présentations ampoulées de Marie que Thérèse de Lisieux a pu dire qu’elle n’avait pas entendu beaucoup de prédications sur Marie qui lui aient plu ! Elle disait que tous les sermons sur Marie éloignaient Marie de tous les chrétiens alors qu’il aurait fallu la rapprocher. Il faut donc le redire avec force, et c’est ce que fera le concile, Marie a, certes, été préservée du péché originel, ce qui n’est pas rien, mais, mis à part ce privilège, elle était comme nous, elle est une femme de notre humanité qui a dû avancer dans la foi. Il y a d’ailleurs deux références bibliques qui attestent que Marie a dû avancer, comme nous, dans la foi et que c’est donc à ce titre qu’elle peut tant nous aider.
- Lc 1,38 Alors l’ange la quitta … toute la vie de Marie sera donc à vivre dans la foi, comme la nôtre, il n’y aura plus d’ange pour lui dire, en permanence, ce qu’elle doit faire, comment elle doit réagir aux événements, comprendre ce qui se passe et je vais le décliner de manière très concrète.
- Lc 1,45 Bienheureuse celle qui a cru : c’est la Béatitude de Marie, preuve que Marie a bien vécu dans la foi et que le concile a bien fait de souligner cette dimension si essentielle de la vie de Marie. Si Marie mérite tant de considération, de vénération, c’est parce que sa foi a été belle. Jésus confirmera d’ailleurs cette béatitude en disant que le privilège de Marie n’est pas d’avoir été celle qui l’a porté, allaité, mais celle qui est le modèle du disciple qui écoute la Parole et la met en pratique dans une foi confiante. Lc 11,28
2.2 Quelques épisodes de la vie de Marie qui nous parlent de son pèlerinage de foi
Je pourrais reprendre tous les épisodes qui nous parlent de Marie pour montrer comment elle a tout vécu dans la foi, mais la durée limitée de cette intervention ne me le permet pas. Je ne vais donc donner que quelques flashs.
2.2.1 L’annonciation : un fiat de confiance donc dans la foi
Parler de foi peut paraitre assez peu concret aux yeux de certains qui imaginent que la foi c’est l’adhésion intellectuelle à des vérités abstraites. C’est pour cela qu’à chaque fois qu’on le peut, il est préférable de remplacer le mot de foi par celui de confiance parce que cette attitude devient plus concrète, plus relationnelle. Poser un acte de foi, c’est quoi ? C’est faire confiance ! Avoir la foi, ce n’est pas tout savoir sur Dieu, c’est lui faire confiance.
Eh bien, c’est cette attitude de confiance, de foi confiante que va développer Marie au moment de l’annonciation. Marie pose une seule question, très légitime : comment cela va-t-il se faire puisque je suis vierge ? Elle ne demande pas le programme et un délai de 72 h pour réfléchir ! L’ange lui dit que l’Esprit-Saint la couvrira de son ombre, ce que j’aime traduire ainsi : l’Esprit-Saint te suivra comme ton ombre, ça lui suffit !
2.2.2 La confiance douloureuse ! La grossesse à Nazareth
Ce n’est pas parce qu’on répond à l’appel du Seigneur, ce n’est pas parce qu’on lui fait confiance que tout va se passer comme sur des roulettes ! Depuis l’Annonciation, la vie de Marie a été une série d’actes de confiance, mais on peut facilement imaginer que les épreuves n’ont pas manqué. Je pense que le temps de la grossesse à Nazareth a dû être une vraie épreuve. Nazareth, c’était un tout petit village d’une poignée de maisons, donc tout le monde se connaissait. Que de sourires moqueurs, elle a dû subir ! Que de sous-entendus pénibles, on a dû prononcer dans son dos ! Parce que les habitants de Nazareth, eux, ils n’ont pas eu d’ange qui était venu pour leur expliquer tout ce qui était en train de se passer !
2.2.3 La confiance à l’épreuve des événements : Noël, fuite en Egypte
Après les quolibets de Nazareth, il y aura encore plus difficile ! C’est l’événement de Noël avec ce recensement qui tombe au plus mauvais moment et qui oblige à partir.
A aucun moment, Marie ne se rebelle contre Dieu en l’accusant de très mal s’y prendre ! Pourtant l’extrême inconfort de cette naissance au cours d’un voyage dans des conditions si peu favorables aurait pu déclencher en elle des récriminations : on te dit Oui et c’est ainsi que tu nous traites ! Vous connaissez la parole de Thérèse d’Avila confrontées, elle aussi, à tant d’épreuves qui dira : Seigneur, si c’est ainsi que vous traitez vos amis, ne vous étonnez pas de ne pas en avoir plus ! Et ce n’est pas fini car, quelques semaines après la naissance, c’est la fuite en Égypte pour échapper au massacre d’Hérode. Il y a de quoi se poser des questions ! Mais, tout cela Marie le vivra dans la foi, dans une confiance qu’elle renouvellera chaque jour.
2.2.4 La confiance à l’épreuve du temps : La vie cachée
Et ensuite, il y a eu toute cette période de Jésus à Nazareth que j’appelle la période « Tanguy » en référence au fameux film. Marie devait souvent se demander : pourquoi reste-t-il ici à faire le charpentier alors qu’il est l’Envoyé de Dieu ? Aucun Ange n’est venu lui expliquer que tout était bien prévu ! Et vous savez 30 ans, c’est long, surtout à l’époque où l’espérance de vie n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui ! Marie peut nous aider à croire ce que Dieu dit en Isaïe : au temps favorable, j’agirai vite ! Is 60, 22. Elle peut nous apprendre le temps de la patience pour en faire un temps de confiance.
2.2.5 La confiance plus forte que tout : Cana
Enfin, la mission de Jésus démarre, enfin il quitte la maison et, très vite, il va y avoir ce premier épisode dans son ministère public avec le mariage à Cana. Ce mariage où, vous le savez, le vin vient à manquer, quelle catastrophe ! Marie a vu, alors, évidemment, elle se tourne vers Jésus parce qu’elle sait bien que, elle, elle ne peut rien faire sinon en parler à Jésus. Et elle se dit qu’il va mettre les bouchées doubles, il a tellement attendu pour partir qu’il va vite récupérer le retard en faisant plein de signes et prodiges. Alors, elle lui fait part du problème mais Jésus lui répond : « Femme, mon heure n’est pas encore venue. »
Si je reviens à la parole de l’Annonciation qui disait que l’Ange l’a quittée, ça veut dire qu’il n’y a pas d’ange qui lui dit : insiste quand même ! Pourtant elle le fera ! Mais uniquement en s’appuyant sur sa foi, sa confiance. Du coup, elle va dire aux serviteurs : « faites tout ce qu’il vous dira. » Elle ne sait pas ce qu’il va dire, elle ne sait pas s’il va dire quelque chose, mais elle sait que quoiqu’il dise, c’est ce qu’il faudra faire. Quelle confiance de la part de Marie.
2.2.6 La confiance pure sans aucun signe : la passion
Je passe sur plein d’autres événements que j’aurais pu reprendre pour voir comment la foi de Marie est mise en lumière, discrètement, mais bien réellement. Et j’en arrive à la passion. Au cours des événements de la passion, Marie a dû se rappeler la prophétie du vieillard Siméon lors de la présentation de Jésus au Temple. Il avait annoncé qu’un glaive de douleurs lui transpercerait le cœur. C’est fait !
Elle voit son fils humilié, elle le voit souffrir et mourir seul, abandonné de tous et pas d’ange qui est là, tout est à vivre dans la foi pure. Quand le corps torturé et mort de Jésus est remis entre ses bras, il lui faut croire que Dieu n’a pas dit son dernier mot, mais aucun signe ne lui est donné pour cela. Quand ce corps est mis au tombeau et la pierre roulée et que tout semble bel et bien fini, Marie va encore veiller dans la foi confiante. Il n’y a peut-être plus qu’elle qui continue à croire en ce moment-là !
2.2.7 La confiance jamais en repos : les débuts de l’Eglise
Après les événements douloureux de la passion, il y a Pâques puis Pentecôte où Marie intercédait pour les apôtres encore bien déboussolés afin qu’ils puissent vivre ce qu’elle-même avait vécu, quand le Saint-Esprit l’avait couverte de son ombre.
Mais, pour autant, tout ne devient pas simple pour Marie après la Pentecôte. Le début de l’Église a été marqué par les terribles persécutions et Marie va assister au martyr des apôtres qui vont mourir les uns après les autres. Elle voit et souffre de ces violentes persécutions qui se déchaînent à l’encontre des chrétiens. Elle peut se demander si ça va vraiment continuer, les communautés sont tellement fragiles. Et, là encore, pas d’ange pour la rassurer que ça finira bien ! Tout doit encore être vécu dans la foi.
Conclusion : La puissance de la spiritualité mariale
Au terme de cet enseignement, il nous est bon d’entendre la parole que l’ange disait à Joseph : ne crains pas de prendre Marie chez toi ! Tout ce que je viens de dire nous montre que, si nous prenons Marie chez nous, dans notre cœur, elle nous aidera à vivre notre propre pèlerinage de foi … car notre vie est bien un pèlerinage de foi.
Prenant, Marie, chez nous, elle intercèdera afin que nous puissions être, en permanence, remplis du Saint-Esprit pour qu’il nous guide, nous rende forts et persévérants dans notre pèlerinage de foi.
Louis-Marie Grignon de Montfort disait : « Quand le Saint-Esprit, son Époux, l’a trouvée dans une âme, il y vole, il y entre pleinement, il se communique à cette âme abondamment et autant qu’elle donne place à son Épouse ; et une des grandes raisons pourquoi le Saint-Esprit ne fait pas maintenant des merveilles éclatantes dans les âmes, c’est qu’il n’y trouve pas une assez grande union avec sa fidèle et indissoluble Épouse. » Autrement dit, Marie est comme un paratonnerre ! Le paratonnerre attire la foudre, Marie attire le St Esprit, nous en avons tous besoin ! Que Notre Dame de Laghet intercède pour nous !