Le 10 septembre : 23° dimanche Ordinaire.
Quand les 3 singes de la sagesse peuvent nous aider à comprendre l’Écriture !
Je ne sais pas si vous avez déjà vu des représentations des 3 singes de la sagesse. Le 1° singe met ses mains sur les yeux pour ne rien voir, le 2° singe met ses mains sur ses oreilles pour ne rien entendre et le 3° singe met ses mains sur sa bouche pour ne rien dire. Il parait que Gandhi avait toujours avec lui une petite reproduction de ces 3 singes parce qu’il ne voulait pas voir le mal, ni l’entendre et encore moins le colporter. C’est très bien et j’ai une grande admiration pour Gandhi, mais, nous les chrétiens, à la lumière des 3 lectures que nous venons d’entendre, il faudrait plutôt que nous changions cette représentation, il faudrait que le 1° singe mette ses mains au-dessus de ses yeux comme on le fait quand on veut regarder plus loin. Il faudrait que le 2° singe mette ses mains vers ses oreilles comme on le fait quand on veut amplifier le son pour mieux entendre. Et enfin, il faudrait que le 3° singe mette ses mains en porte-voix comme on le fait quand on veut que notre parole puisse porter plus loin. S’il y a des artistes parmi vous, peut-être pourraient-ils faire une telle représentation, et je le dis tout de suite, je serai preneur sinon de petites statuettes, au moins d’un dessin ! Permettez-moi de reprendre chacun de ces singes avec la représentation modifiée pour voir comment ils pourraient magnifiquement illustrer chacune des 3 lectures.
Le 1° singe, mettant ses mains au-dessus de ses yeux pour voir plus loin, illustrerait parfaitement la 1° lecture tirée du livre d’Ezéchiel puisque le Seigneur l’établit comme guetteur. Par définition, un guetteur, il a les yeux grands ouverts pour voir venir l’ennemi et prévenir du danger suffisamment tôt. Le Seigneur demande donc à son prophète de ne pas fermer les yeux sur les attitudes de ses frères qui pourraient les conduire à leur perte. Il faut qu’il soit vigilant pour avertir et encourager à la conversion ceux qui se perdent. Aujourd’hui encore, dans notre Eglise, nous avons besoin de guetteurs vigilants et courageux qui renoncent à la tranquillité qui consisterait à fermer les yeux en disant que ce n’est pas leur problème. Il faut oser voir ce qui est mal et oser le dénoncer. Mais peut-être y aurait-il encore plus besoin de guetteurs au regard aiguisé pour voir le bien, pour voir tous les humbles gestes d’amour et qui puissent encourager ceux qui les font et ouvrir les yeux de tous ceux qui sont pessimistes et défaitistes. Elles seraient belles nos communautés si, chaque jour, nous arrivions à voir une belle chose chez ceux avec qui nous vivons et pourquoi pas le leur dire ! Agir ainsi, ça ne serait pas pratiquer la méthode Coué qui consiste à s’auto-convaincre que tout va bien ! Non ! Agir ainsi, ça serait plutôt mettre en œuvre cette conviction qui nous invite à croire que l’Esprit-Saint est à l’œuvre dans le cœur de chaque homme.
Passons au 2° singe mettant ses mains vers ses oreilles pour mieux entendre. Ce 2° singe, il illustrerait parfaitement la 2° lecture tirée de la lettre aux Romains dans laquelle Paul nous invite à ne garder aucune dette envers personne sinon la dette de l’amour et qui conclut sa réflexion en disant que l’accomplissement parfait de la loi, c’est l’amour. Dans le Premier Testament, il nous est souvent dit que Dieu a entendu la misère de son peuple, que ses cris ont bouleversé son cœur et qu’il a agi en sa faveur. Une des plus belles manières d’aimer, c’est d’écouter et pour écouter, il ne faut pas parler tout le temps, il ne faut pas parler de soi sans arrêt. Comme c’est frustrant quand vous vous confiez à quelqu’un qui, sans arrêt, va dire : oui, c’est comme moi, ou encore, moi, c’est encore pire : moi, moi, moi … A la cathédrale du Puy, il y a une belle représentation d’un Christ en croix qui a de grandes oreilles et presque souriant. Sur la croix, Jésus aurait eu toutes les raisons de se plaindre et de chercher des oreilles compatissantes, eh bien, non ! L’artiste a eu cette intuition géniale que, là encore, Jésus était toute écoute et encore heureux de vivre cette mission. Puisque sur la croix, il va aller jusqu’au bout de l’amour, il était cohérent de le représenter avec ces grandes oreilles parce que l’amour se manifeste d’abord par une écoute inconditionnelle. C’est bien cette écoute que viennent chercher les nombreux pèlerins qui viennent dans ce sanctuaire, ils se tournent vers Marie, la Mère de la compassion parce que Mère de l’écoute qui ne rejette aucun de ses enfants. Et c’est pour cela que les chapelains, comme les sœurs, nous voulons nous rendre toujours plus disponibles pour écouter tous ceux qui passent ici. L’accomplissement parfait de la loi, c’est l’amour et l’amour passe peut-être d’abord par l’écoute. Voilà sûrement une grâce qu’il nous faut tous demander car dans les familles, au travail, dans les loisirs ou ailleurs, c’est tellement important.
Quant au 3° singe mettant ses mains en porte-voix pour que sa parole puisse porter plus loin, il illustre parfaitement l’Evangile puisque Jésus demande à ses disciples de pratiquer ce qu’on appelle la correction fraternelle. On peut d’ailleurs dire que pratiquer cette correction fraternelle, c’est une belle manière d’accomplir la mission de guetteur. Ce qui rend la correction fraternelle, c’est que, souvent, on va se dire : qui suis-je pour oser reprendre mon frère ou ma sœur puisque je ne suis pas meilleur que la personne qu’il me faudrait reprendre : c’est bien vrai et en avoir conscience est extrêmement salutaire ! Mais justement, plus nous en sommes conscients, et moins nous interviendrons en donneur de leçons, utilisant des paroles blessantes. La conscience de notre pauvre pauvreté ne nous dispense donc pas de devoir intervenir, mais elle nous oblige à le faire comme un frère, comme une sœur qui, reconnaissant ses propres insuffisances, veut néanmoins aider un autre frère une autre sœur en difficulté. La correction fraternelle est la marque suprême de l’amour fraternel à condition, bien sûr, que nous la pratiquions dans un amour inconditionnel des autres. Dans ce texte, Jésus nous donne comme un mode d’emploi, en détaillant les étapes par lesquelles il nous faut passer pour parvenir à la victoire qui consiste à la conversion de celui qui se fait reprendre et de celui qui reprend.
Maintenant dans les consignes de Jésus, il y en a une qui peut nous sembler étonnante. Au terme du processus, quand on a tout essayé, si celui que l’on reprend ne veut rien entendre, Jésus dit : S’il refuse encore d’écouter l’Église, considère-le comme un païen et un publicain. Cette parole nous semble bien dure et dissonante venant de Celui qui exerce en permanence la miséricorde. En fait, c’est bien une parole de miséricorde car les païens et les publicains, Jésus les a toujours accueillis ! C’est donc comme si Jésus nous disait : quand tu auras tout essayé pour faire sortir ton frère de son ornière, si rien n’a marché, alors confie-le à ma miséricorde, demande-moi de m’occuper de lui !
Au terme de cette méditation dans laquelle les 3 singes de la sagesse nous auront guidés, une question peut se poser ; et ceux qui ne voient pas, n’entendent pas, ne parlent pas, sont-ils exclus ? Ne peuvent-ils pas accomplir cette belle mission de guetteur, ne peuvent-ils pas vivre l’amour fraternel, la correction fraternelle ? Évidemment, non car les yeux du cœur fonctionnent très bien et peuvent pallier la défaillance des yeux du corps. Les oreilles malades peuvent trouver dans les yeux de puissants alliés car celui qui ne va pas bien, avant même qu’il ne le dise, on le voit sur son visage. Quant à ceux dont la langue est malhabile ou carrément incapable de parler, ils pourront aussi avec leur regard ou avec leurs mains prodiguer un réconfort tout aussi bienfaisant.
Seigneur, tu nous as fait cette promesse extraordinaire : Si deux d’entre vous sur la terre se mettent d’accord pour demander quoi que ce soit, ils l’obtiendront de mon Père qui est aux cieux. En effet, quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux. Tu es au milieu de nous et tu le seras de manière encore plus forte par ta présence eucharistique, alors nous nous accordons tous pour te demander de nous obtenir du Père du ciel cette grâce de l’amour fraternel. Et pour être encore plus sûrs cette demande nous la faisons monter par l’intercession de Notre Dame de Laghet.