12 janvier : Baptême du Seigneur

Par Père Roger Hébert

Si vous connaissez quelqu’un qui murmure à l’oreille du Pape François, vous pourriez peut-être lui suggérer de demander au Pape de réformer le rituel du Baptême. En effet, je trouve tellement dommage que la parole, venant du ciel, qui a retenti lors de Baptême de Jésus, ne soit pas prononcée au moment de la célébration du Baptême. Comme j’aimerais pouvoir dire à ceux que je baptise : aujourd’hui, Dieu te dit, Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie ! Alors rassurez-vous, même si le rituel ne le prévoit pas, je me débrouille pour prononcer cette parole à un moment ou à un autre, mais ça serait tellement mieux si le rituel mettait cette parole au cœur de la célébration. Pourquoi j’y tiens tant ? Pour deux raisons qui se renforcent mutuellement.

1° raison : il n’est pas fréquent d’entendre la voix de Dieu qui retentit, raison de plus pour porter une grande attention à ce qu’il dit et graver ses paroles dans notre cœur. Dans les Evangiles, il n’y a que deux moments où la voix de Dieu s’est fait entendre : au Baptême de Jésus et à la Transfiguration et, dans les deux cas, le message est sensiblement le même. Quand quelqu’un parle beaucoup, il est bien évident qu’on ne peut pas retenir tout ce qu’il dit. Je n’attends pas que vous reteniez tout ce que je dis dans mes homélies, souvent trop longues, d’ailleurs moi-même, je ne me souviens pas de tout ! Mais quelqu’un qui parle peu, on sera plus enclin à retenir ce qu’il dit pour ne jamais l’oublier. C’est le cas de Dieu le Père.

La 2° raison, c’est le contenu de cette Parole : Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. Alors vous pourriez me dire que cette Parole du Père, elle était destinée à Jésus et que finalement, elle ne peut être adressée qu’à Jésus. Non ! La 1° partie, elle peut vraiment être adressée à tous, nous sommes tous les enfants bien-aimés de Dieu et pas seulement à partir de notre Baptême, mais de puis notre conception. Au jour, du Baptême, ce qui change, c’est que nous le savons et savoir qu’on est aimé, c’est tellement bienfaisant surtout quand Celui qui nous aime inconditionnellement, c’est Dieu.

Alors, c’est vrai que pour la 2° partie, c’est plus compliqué, est-ce que nous faisons toujours la joie de Dieu, ce n’est pas évident du tout ! Je connais trop bien ce qui chagrine mon Dieu dans mon comportement et c’est d’ailleurs ce qui alimente mes confessions. Pourtant je maintiens qu’il serait bien qu’au cœur des baptêmes que nous célébrons, la Parole du Père, adressée à Jésus au Jourdain, puisse retentir : Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. Car, lors du Baptême, cette parole devient particulièrement vraie, la 2° partie autant que la 1° partie. En effet, dans la théologie, nous disons que le Baptême nous configure au Christ. On trouve souvent cette définition du Baptême : Configuré au Christ, nous devenons fils d’un même Père et frères de Jésus-Christ, par l’Esprit Saint. Ce qui signifie donc que Dieu le Père peut nous dire à nous ce qu’il disait à Jésus.

Si cette définition vous semble compliquée, je vais donner l’explication que le Saint Curé d’Ars, mon compatriote, donnait quand il célébrait un Baptême. Il était un homme de la terre, pas un intellectuel qui raisonnait par abstraction. C’est pourquoi il aimait faire des catéchèses simples en se servant d’images concrètes pour expliquer des choses compliquées. C’est ainsi que lorsqu’il célébrait un baptême, il avait l’habitude de prendre une bougie et, en l’inclinant, de faire tomber une goutte de cire sur une coupelle, puis il versait une deuxième goutte de cire sur la première. C’est alors qu’il sortait son couteau de la poche de sa soutane et qu’il demandait au petit frère ou à la petite sœur : prends mon couteau et sépare les deux gouttes de cire. L’enfant lui répondait invariablement : mais ce n’est pas possible, Monsieur le curé ! Et pourquoi c’est impossible, demandait-il ? L’enfant répondait : parce qu’elles sont fondues ensemble ! Eh bien, disait le curé d’Ars, voilà ce que produit le baptême, ton petit frère ou ta petite sœur que je vais baptiser sera comme fondu avec Jésus, on ne pourra plus jamais les séparer !

Merveilleuse explication du Baptême qui nous configure au Christ. Ainsi donc, par notre Baptême, non seulement, nous sommes les bien-aimés du Père, mais nous faisons aussi la joie de Dieu, justement parce qu’il a décidé de faire de nous ses bien-aimés. Alors, pour que nous goûtions encore mieux cette parole, permettez-moi d’expliquer un peu ce terme de « bien-aimé ».

Je ne connais pas l’hébreu, mais je sais qu’en hébreu, David, le nom David signifie bien-aimé. Les noms hébreux ont très souvent une signification, c’est vraiment le cas pour ce nom de David qui se traduit donc par « bien-aimé ». Mais en hébreu, dans un premier temps, on n’écrivait que les consonnes, pas les voyelles. Les consonnes donnaient la racine d’un mot qui, ensuite, pouvait se décliner de plusieurs manières quand on rajoutait les voyelles. C’est ainsi que David est de la même racine que Doudou, par exemple.

Or, vous savez ce qu’est un doudou, c’est l’objet le plus précieux pour un enfant. Jamais il ne partira sans son doudou et s’il l’a égaré ou pire encore carrément perdu, c’est un vrai drame, et les parents sont bien désemparés quand ce drame survient ! Son doudou, c’est tout pour l’enfant, les psy expliquent cela savamment. Eh bien, puisque nous sommes les bien-aimés de Dieu, nous sommes les doudous de Dieu, il tient à nous encore plus qu’un enfant peut tenir à son doudou ! En plus, les doudous des enfants, vous savez, souvent, ils sont en mauvais état, il faut les raccommoder, car jamais un enfant n’abandonnera son doudou, n’acceptera de changer de doudou même s’il est dans un état lamentable. Puisque nous sommes les bien-aimés de Dieu, les doudous de Dieu, il agit ainsi envers nous. Même quand nous sommes lamentables dans notre comportement, il tient encore à nous ! Il raccommodera encore et encore ce qui est déchiré, mais jamais il n’acceptera de nous laisser tomber. Vous comprenez maintenant pourquoi j’aimerais tant que le rituel du baptême soit révisé pour que les baptisés, leurs familles puissent entendre cette parole merveilleuse : tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie.

Par l’intercession de Notre Dame de Laghet demandons que nous soit accordée la grâce d’entendre cette parole que le Seigneur vient murmurer aujourd’hui à l’oreille de notre cœur : , tu es mon Fils bien-aimé, tu es mon doudou ; en toi, je trouve ma joie.