Le 12 septembre 2023

Par Père Roger Hébert

 

Permettez-moi de commencer cette homélie en faisant un peu d’histoire pour rappeler les origines de cette fête du Saint Nom de Marie. En septembre 1683, la ville de Vienne était assiégée par les turcs. Ils étaient revenus à la charge un siècle après leur défaite dans la bataille de Lépante, victoire obtenue par les chrétiens grâce à la récitation du Rosaire, c’est l’origine de la fête de Notre Dame du Rosaire que nous célébrerons le 7 octobre. Mais revenons au siège des turcs en 1683, la ville allait tomber, ce n’était plus qu’une question d’heure puisque le rapport de force n’était vraiment pas en faveur des troupes chrétiennes. Cependant, avant de lancer ses troupes dans un assaut de la dernière chance pour libérer la ville, le Roi de Pologne fit célébrer une messe en l’honneur de la Vierge Marie, une messe au cours de laquelle il invoqua avec foi le Saint Nom de Marie. La bataille commença à l’aube du 11 septembre 1683… Et le soir, l’étendard du grand vizir turc était tombé aux mains du roi polonais. Le lendemain, 12 septembre, le roi fit son entrée dans la ville en fête, et vint assister à la messe et au Te Deum en l’église de la Vierge de Lorette à laquelle il attribuait la victoire. Dès l’année suivante, la fête fut étendue à toute l’Eglise et fixée au dimanche suivant la Nativité de Marie.

Le pape saint Pie X a fixé la date au 12 septembre, jour anniversaire de célébration de la victoire. La fête a disparu du calendrier romain en 1974. Elle fut ré-introduite ensuite par Jean-Paul II, en tant que « mémoire facultative ». Et ainsi, comme on fête le Saint Nom de Jésus quelques jours après Noël, on fête le Saint Nom de Marie, le 12 septembre quelques jours après sa naissance le 8 septembre.

Comme nous le constatons, la fête du Saint Nom de Marie comme la fête de Notre Dame du Rosaire, d’ailleurs, sont liés à des victoires obtenues contre l’ennemi par la prière à Marie. Ce ne sont plus pour des victoires guerrières contre des ennemis déclarés que nous invoquons, aujourd’hui, le Saint Nom de Marie, mais c’est bien toujours pour remporter des victoires que nous le faisons.

Chacun de nous, nous connaissons les combats que nous avons à mener contre l’Ennemi avec un « E » majuscule, celui que le curé d’Ars aimait appeler le Grappin. Vous savez, sans doute que le grappin était un outil utilisé par les paysans pour arracher les pommes de terre, c’est ce qui a inspiré le curé d’Ars qui était paysan dans l’âme et qui avait une théologie extrêmement concrète. Il a appelé l’Ennemi le grappin parce qu’il cherche, lui, à arracher les âmes au Bon Dieu. C’est évident, chacune et chacun, nous avons nos combats à mener et si nous n’avons pas de combat à mener, il faut plutôt nous en inquiéter car il n’y a que les tièdes que l’Ennemi laisse tranquille car leur tiédeur est déjà sa victoire.

Quand nous ressentons une fatigue, quand nous connaissons une baisse de régime dans le combat spirituel, c’est donc là qu’il est particulièrement bienfaisant d’invoquer le Saint Nom de Marie. St Bernard disait : Le nom seul de Marie met en fuite tous les démons ! Et quand nous l’invoquons, Marie accourt pour intercéder pour nous, pour nous obtenir la force de ne pas baisser les bras. Elle accourt toujours comme elle accourait, jadis, pour visiter sa cousine Elisabeth, comme nous l’avons entendu dans l’Evangile. Quand nous prions le chapelet, communautairement ou personnellement, nous pouvons penser au bienfait qu’apporte la répétition du Saint Nom de Marie pour nous fortifier dans le combat quotidien que nous avons à mener.

Rappelons-nous ces paroles d’un sermon de St Bernard, entendues, ce matin, à l’office des lectures et qui sont devenues un chant : Ô homme, qui que tu sois, si dans cette marée du monde tu te sens emporté à la dérive parmi les orages et les tempêtes, ne quitte pas des yeux la lumière de cette étoile qu’est Marie. Quand se déchaînent les rafales des tentations, quand tu vas droit sur les récifs de l’adversité, regarde l’étoile, appelle Marie ! Si l’orgueil, l’ambition, la jalousie te roulent dans leurs vagues, regarde l’étoile, crie vers Marie ! Si la colère ou l’avarice, si les sortilèges de la chair secouent la barque de ton âme, regarde vers Marie. Quand, tourmenté par l’énormité de tes fautes, honteux des souillures de ta conscience, terrorisé par la menace du jugement, tu te laisses happer par le gouffre de la tristesse, par l’abîme du désespoir, pense à Marie. Dans les périls, les angoisses, les situations critiques, invoque Marie, crie vers Marie ! Que son nom ne quitte pas tes lèvres, qu’il ne quitte pas ton cœur,

L’enjeu est grand, Paul l’a bien énoncé dans la 1° lecture tirée de l’épitre aux Galates. C’est dans ce passage que l’on trouve la seule allusion à Marie de toute la littérature paulinienne : Mais lorsqu’est venue la plénitude des temps, Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme. Et Paul continue en disant que si Marie nous a donné Jésus, c’est pour que nous ne vivions plus comme des esclaves, mais comme des fils. Au tout début du chapitre suivant, il explicitera sa pensée avec cette formule choc que nous connaissons bien : C’est pour que nous soyons vraiment libres que le Christ nous a libérés. Tenez donc ferme et ne vous laissez pas remettre sous le joug de l’esclavage. Si nous avons à mener tous ces combats, c’est donc pour rester libres. Quand on lit des récits qui parlent de la condition des esclaves, on en est horrifié par tout ce qu’ils ont dû endurer, la première partie de la vie de Sainte Bakhita en est une merveilleuse illustration. Eh bien, c’est à la condition d’esclaves que l’Ennemi veut nous faire revenir. Il promet toujours monts et merveilles, mais quand on écoute ses suggestions, comme Adam et Eve, on se retrouve dépouillés de tout, principalement de notre liberté. C’est pour que nous soyons vraiment libres que le Christ nous a libérés. Tenez donc ferme et ne vous laissez pas remettre sous le joug de l’esclavage.

Voilà pourquoi il est bon d’invoquer le Saint Nom de Marie en étant sûrs qu’elle intercèdera sans tarder en notre faveur. Et surtout n’ayons nulle crainte, invoquer Marie ne nous détourne pas du Seigneur. Quand Marie intercède en notre faveur, elle nous permet de garder notre liberté, alors nous ne sommes plus esclaves mais fils et, par l’Esprit, avec le Fils et dans le Fils, nous pouvons crier Abba, Père. Alors, comme le dira l’Ange à Joseph : N’ayons pas peur de prendre chez nous, Marie en invoquant, sans nous lasser, son saint Nom.