2 juin : Fête du Corps et du Sang du Christ
Nous sommes à Abitène, au tout début du 4° siècle. Abitène est une ville de la Tunisie actuelle. Le christianisme s’était tellement bien établi en Afrique du Nord que les autorités de l’Empire romain vont prendre des mesures radicales pour bloquer son expansion. C’est ainsi qu’en 304, un groupe de chrétiens va être arrêté pour avoir défié l’interdiction de l’empereur adressés aux chrétiens de participer à une messe. Comparaissant devant les autorités chargées de les juger, ils sont interrogés et on leur dit : vous saviez que la participation au culte chrétien était interdite et que, si vous étiez pris, vous seriez condamnés et exécutés, pourquoi n’avoir pas obéi aux ordres ? Leur réponse est admirable, je vous la donne en latin et je traduirai : sine dominico non possumus, je traduis : sans le dimanche, autrement dit, sans la messe, nous ne pouvons rien ! Avez-vous bien entendu la force de cette parole : sans la messe, nous ne pouvons rien ! Ils ne disent pas : nous aimons nous retrouver le dimanche, nous aimons partager la Parole et le Pain eucharistique, ils disent : sans la messe, nous ne pouvons rien ! Nous ne pouvons rien faire, autrement dit : sans la messe, nous ne pouvons pas vivre et ils ont préféré mourir plutôt que de se passer de messe !
Cela veut donc dire que les autorités romaines avaient tout compris ! Ces autorités, qui étaient adversaires de l’Eglise, avaient donc bien mieux compris que tant de baptisés d’aujourd’hui, que c’était dans la messe que les chrétiens trouvaient leur force. Pour les anéantir, pour les réduire à rien, il suffisait donc de les empêcher de participer à la messe, de les couper de cette source qui leur donnait cette énergie folle. Pour bien me faire comprendre, je vais prendre une comparaison que vous ne trouverez dans aucun livre de théologie ! Ces mêmes romains avaient également compris que, ce qui donnait sa force à ce village d’irréductibles gaulois dont les albums d’Astérix nous racontent les aventures, c’était la potion magique du druide Panoramix ! Il fallait donc qu’ils trouvent la solution pour priver les gaulois de cette potion magiques afin qu’ils redeviennent des gaulois comme les autres, c’est-à-dire « forts en gueule » mais extrêmement peureux.
C’est clair, les gaulois trouvaient leur force dans la potion magique, nous, les chrétiens nous trouvons notre force dans l’Eucharistie et nous avons évidemment un grand avantage sur eux, c’est que cette fameuse potion magique, elle n’existe que dans les albums d’Astérix, c’est une invention, alors que l’Eucharistie, elle existe vraiment. Ses effets ont été prouvés au cours des siècles, non pas par des études scientifiques, mais justement par l’expérience des martyrs qui ont trouvé dans l’Eucharistie l’énergie de pouvoir rester fidèles jusqu’au bout, d’aimer jusqu’au bout, en aimant même ceux qui les faisaient mourir.
Privés de la messe, les chrétiens d’Abitène seraient très vite rentrés dans le rang, menant la vie de tout le monde, épousant les idées de tout le monde, agissant comme tout le monde. Ils ont flairé le piège et se sont dit qu’il était largement préférable de mourir martyrs plutôt que de vivre comme des morts-vivants, des personnes déjà mortes spirituellement. Sine dominico non possumus ! Sans la messe, nous ne pouvons rien ; sans la messe, nous ne pouvons pas vivre ! Cette déclaration des chrétiens d’Abitène est un formidable écho à la parole de Jésus dans l’allégorie de la vigne quand il dit : « En dehors de moi, vous ne pouvez rien faire ! » Jn 15,5
Certains, quand ils entendent cela, peut-être pour se justifier de ne pas aller à la messe, pensent ou disent que ce n’est pas possible de dire les choses comme ça. Il y a une quantité de personnes qui ne sont pas chrétiennes et qui savent faire du bien, qui aiment faire du bien. Pour eux, la démonstration est donc claire, on n’est pas paralysé si on n’est pas relié à Jésus. Oui, c’est vrai qu’il y a des personnes admirables en dehors des chrétiens, et c’est également vrai qu’il y a des chrétiens qui ne sont pas admirables du tout. Mais voyez-vous une personne admirable qui fera donc du bien de manière admirable, si elle n’est pas chrétienne, elle ne peut compter que sur ses propres forces pour faire ce bien. Dans ces conditions, le bien restera forcément limité, limité à ses capacités. Alors, c’est vrai, certaines personnes ont de très grandes capacités et des relations aussi qui leur permettent de déployer le bien qu’elles font. Mais ce bien restera forcément limité.
Nous les chrétiens, c’est bien évident que nous ne sommes pas meilleurs que les autres, mais nous avons un avantage énorme : pour faire du bien, il ne nous est pas demandé de puiser dans nos réserves d’amour, dans nos réserves d’énergie, nous pouvons puiser à cette source intarissable qu’est l’Eucharistie. Cela veut donc dire que les effets de notre action ne seront plus à mesure humaine, mais à mesure divine.
Pour moi, le plus bel exemple que tout ce que je vous raconte est vrai, c’est mère Térésa. Quand on la voyait en photo, surtout à la fin de sa vie, elle était toute petite, voutée, fripée. Si on l’avait croisée dans la rue sans savoir qui elle était, on aurait eu pitié de sa fragilité. On ne peut pas imaginer un seul instant que c’était en elle qu’elle avait puisé toute l’énergie et l’amour nécessaire pour répandre son œuvre dans le monde entier. Le secret du tonus, de l’audace, de la fécondité de mère Térésa, c’était l’Eucharistie. Au début, les constitutions qu’elle avait écrites pour sa congrégation naissante prévoyaient une heure d’adoration par semaine, à partir de 1973, elle changera cela en prévoyant une heure par jour, le matin, avant de commencer l’apostolat. Plus les sœurs seront sollicitées, débordées et plus elle leur demandera de tenir fermement à mettre l’Eucharistie célébrée et adorée au cœur de leur vie. Elle avait bien senti le risque, débordé, on fait le choix de se donner plus, mais sans se ressourcer et c’est ainsi qu’on finit complètement vidé !
C’est Einstein, je crois, qui avait dit : on sacrifie souvent l’essentiel pour faire face à l’urgent alors que le plus urgent serait d’accorder toute sa place à l’essentiel. Comme c’est vrai ! Ce n’est jamais un bon calcul de rater la messe ! Sine dominico non possumus ! Sans la messe, nous ne pouvons rien ; sans la messe, nous ne pouvons pas vivre ! En son temps, Benoit XVI, pour expliquer aux jeunes des JMJ, la puissance de la messe avait utilisé une comparaison extraordinaire. Il avait dit qu’il y avait dans l’Eucharistie la puissance d’une fission nucléaire. Une centrale nucléaire produit une énergie phénoménale à partir de pas grand-chose, eh bien, c’est cette énergie de l’amour que nous recevons quand nous allons à la messe. Ce n’est donc jamais un bon plan de rater la messe, surtout quand on est fatigué ou débordé, parce que c’est là que le Seigneur refera nos forces.
En cette fête si particulière qui, chaque année, nous donne de pouvoir reprendre conscience de l’importance de l’Eucharistie, demandons par l’intercession de Notre Dame de Laghet de pouvoir, à notre tour, dire : Sine dominico non possumus ! Sans la messe, nous ne pouvons rien ; sans la messe, nous ne pouvons pas vivre !