21 avril : 4° dimanche de Pâques.
« Notre curé, il faisait ce qu’il disait ! » Voilà ce qu’a déclaré un paroissien d’Ars dans sa déposition pour le procès de béatification du Curé d’Ars, ce Saint Prêtre dont je suis si fier d’être le compatriote. L’homme qui a prononcé cette parole n’était pas un grand théologien spécialiste du sacerdoce, c’était un simple paysan d’Ars. Et quand on lui demande de dire ce qu’il a retenu de son curé, pourquoi son curé mériterait d’être béatifié puis canonisé, il n’hésite pas un seul instant, ce qui lui vient en premier, c’est cette parole si simple et si profonde :« Notre curé, il faisait ce qu’il disait ! » En cela, comme en tant d’autres points, on peut dire que le Saint Curé d’Ars aura été un grand témoin de Jésus, c’est-à-dire qu’à travers lui, à travers ses paroles, ses actes, on pouvait reconnaître Jésus parlant et agissant. En effet, Jésus, encore plus et encore mieux que le Saint Curé d’Ars, il faisait ce qu’il disait !
Tout ce que nous venons d’entendre, ces paroles prononcées par Jésus dans son discours sur le bon berger, tout cela Jésus ne s’est pas contenté de le dire, il l’a fait. Et c’est peut-être le 1° point que nous pouvons retenir de la définition du Bon Berger, le Bon Berger il fait ce qu’il dit ! Parce que nous le savons bien, parler, ce n’est jamais très compliqué, surtout quand on est un bon parleur, quand on maitrise bien l’art de parler. Avec des paroles bien senties, on peut même arracher des larmes ou des applaudissements, attirer à soi des personnes ou des bulletins de vote ! Le drame, c’est qu’aujourd’hui, il y a de plus en plus de gens qui se méfient des beaux parleurs parce que, eux, hélas, ils ne font pas ce qu’ils disent et ça finit par discréditer leurs paroles et la parole de tant d’autres personnes. C’est sans doute pour cela qu’il y a de moins en moins de gens qui vont voter, ils sont fatigués d’entendre ceux qui ne font pas ce qu’ils disent. Jésus notre Bon Berger, lui, il fait vraiment tout ce qu’il dit.
Tout ce qui était dit dans ses versets, Jésus l’a fait. Par 5 fois, Jésus répète que le Bon Berger donne sa vie pour ses brebis, il l’a fait ! Il dit que pour le Bon Berger, les brebis comptent vraiment alors que pour le mercenaire, elles ne comptent pas vraiment, il a montré que c’était vrai en donnant le meilleur de lui-même à tous ceux qui venaient à lui. Il dit qu’il a d’autres brebis qui ne sont pas encore ou qui ne sont plus dans la bergerie et qu’il veut en prendre soi, il l’a fait en arpentant son pays de long en large et en travers pour aller chercher ceux qui s’étaient perdus. Il dit qu’il connait ses brebis, il a montré que c’était vrai en donnant à chacun ce qui lui était le plus essentiel. Bref, on pourrait relire tous les Evangiles pour montrer comment chaque passage réalise, accomplit l’une des paroles de ce discours. Parce qu’il est le Bon Berger par excellence, Jésus, il faisait ce qu’il disait !
Du coup, on comprend que ce brave paysan d’Ars qui avait eu la chance de bénéficier du ministère de ce prêtre si admirable qu’était St Jean-Marie Vianney dise pour résumer toute sa vie, pour donner l’argument imparable pour ouvrir la voie de sa béatification : « Notre curé, il faisait ce qu’il disait ! » C’était une manière très simple de dire ce que la théologie dira en termes plus configurés à savoir que le prêtre, par son ordination, est totalement configuré au Christ et que c’est pour cela qu’il pourra, dans les sacrements, agir « in persona Christi. » Ce que les théologiens déploient dans ces concepts complexes, l’Esprit-Saint aura donné à ce paysan d’Ars de l’exprimer dans un langage tout simple et tellement percutant : « Notre curé, il faisait ce qu’il disait ! »
Et désormais, le peuple chrétien ne s’y trompe plus, pour lui, un bon prêtre, ce n’est pas d’abord un beau parleur, certes, quand il parle bien, ça ne gâche rien, au contraire, mais c’est loin d’être suffisant, pour le peuple chrétien, un bon prêtre, un bon berger, c’est celui qui fait ce qu’il dit. Attention, je ne crois pas que le peuple chrétien attend de tous les prêtres qu’ils soient parfaits. Chacun sait que les prêtres sont des hommes, pris parmi les autres hommes et qu’ils ne sont donc ni meilleurs, ni pires d’ailleurs que les autres hommes. Mais ce qui insupporte le peuple chrétien, ce sont les prêtres qui disent beaucoup de belles choses en laissant croire qu’ils les vivent alors qu’ils ne les vivent pas.
C’est ce qui a choqué tant de personnes dans le scandale des abus, beaucoup parmi ceux qui ont été dénoncés avaient de grands et beaux discours, laissant croire qu’ils étaient admirables alors que ce qu’ils faisaient dans l’ombre montrait qu’ils étaient terriblement misérables !
Je crois donc que le Bon Pasteur, c’est celui qui est conscient de sa pauvreté et qui n’hésite pas à dire humblement, de temps en temps, qu’il y a un certain nombre de sujets sur lesquels ce qu’il dit est mieux que ce qu’il fait, que ce qu’il dit, c’est ce qu’il aimerait faire mais qu’il n’y parvient pas toujours. Je vous le dis donc humblement, mes homélies sont souvent plus belles que ce que je fais, mais elles disent vraiment ce que j’aimerais faire et je vous demande de prier pour moi afin que je parvienne, avec la grâce de Dieu, à réduire l’écart entre ce que je dis et ce que je fais. Le Bon Pasteur, c’est aussi celui qui sait, à l’occasion, demander pardon quand ce qu’il a fait était trop contraire à ce qu’il avait pu dire. Le Bon Berger, c’est celui qui cherche à ne pas braquer les projecteurs sur lui, mais sur Celui qu’il veut annoncer. Alexandre Men, prêtre russe orthodoxe assassiné en 1990 avait écrit : « Si les gens se fixent sur ma personne, c’est que j’aurai subi un fiasco en tant que prêtre. C’est sur Dieu qu’ils doivent se fixer, et moi, je me contente de les y aider. » il continuait avec ces mots : « Si l’on dit d’un écrivain qu’il est unique, c’est un triomphe, mais pour un prêtre, c’est une catastrophe ! »
Je demande par l’intercession de Notre Dame de Laghet de pouvoir devenir chaque jour un meilleur berger et je confie aussi à votre prière cette intention en l’élargissant pour qu’ensemble nous demandions que tous les prêtres et tous les évêques deviennent de meilleurs bergers. Nous lui demandons aussi des vocations de bergers pour que les bonnes brebis ne soient jamais laissé à l’abandon, livrées aux loups et aux bergers mercenaires qui se servent d’elles sans les servir.