22 août : jeudi 20° semaine – Fête de Marie, Reine
La semaine dernière, nous avions entendu cette lecture d’Ezéchiel, le prophète que nous lisons en ce moment, qui disait que c’en était fini de la vieille théorie de rétribution qui se résumait par ce proverbe : les pères ont mangé des raisins verts et ce sont les dents des fils qui sont agacés. C’est-à-dire qu’on pensait qu’on pouvait pécher allègrement car ce seront les générations futures qui paieront l’addition. Soit-dit en passant, nous continuons à raisonner ainsi en ce qui concerne les dégâts faits à la planète par la surconsommation ! Nous profitons et les générations futures vont payer notre folie, nos dégâts. Par la bouche d’Ezéchiel, le Seigneur avait dit : je ne veux plus entendre cela, c’est irresponsable : chacun devra rendre compte de ses propres actes. Et la lecture se terminait par cette injonction : faites-vous un cœur nouveau, faites-vous un esprit nouveau ! Je soulignais combien l’injonction était juste mais en même temps irréaliste, ou dii-u moins au-dessus de nos forces. Nous en rêvons de ce cœur nouveau, de cet esprit nouveau et résolu, mais nous n’arrivons pas à nous les fabriquer.
Le Seigneur l’a vite compris, c’est pourquoi aujourd’hui, il annonce que ce n’est pas à nous de nous les faire, ça dépasse nos capacités, il va nous les donner, ça sera le plus grand cadeau qu’il puisse nous faire. Je relis la promesse, même si nous la connaissons bien, elle était tellement belle : Je répandrai sur vous une eau pure, et vous serez purifiés ; de toutes vos souillures, de toutes vos idoles, je vous purifierai. Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau.
J’ôterai de votre chair le cœur de pierre, je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai en vous mon esprit, je ferai que vous marchiez selon mes lois, que vous gardiez mes préceptes et leur soyez fidèles. Tout cela sera un don de sa grâce, c’est-à-dire que ça nous sera donné gratuitement. La seule question est de savoir si nous aurons assez d’humilité pour tendre nos mains vides.
Et justement, c’est d’accueil de la grâce dont il sera question dans l’Evangile. Je ne commente pas de manière précise la parabole car je veux garder du temps pour dire un mot de la fête d’aujourd’hui. Je souligne d’abord l’opiniâtreté du Seigneur représenté sous les traits de ce roi qui a préparé un festin et qui veut que rien ne soit perdu malgré l’ingratitude des invités qui ne répondent pas. Les dons de la grâce, préparés par le Seigneur sont surabondants et le Seigneur ne veut qu’aucun ne soit perdu. Alors si les premiers invités n’en veulent pas, il y en aura d’autres et d’autres encore. Jamais le Seigneur ne baissera les bras devant le refus des hommes !
Je souligne encore que si, aujourd’hui, nous participons à cette messe qui est l’anticipation de repas des noces de l’Agneau comme nous le disons désormais dans l’invitation à venir communier, si nous participons, c’est parce que nous sommes ces personnes ramassées à la croisée des chemins parmi lesquels le texte nous dit qu’il y a les mauvais comme les bons. Ne nous gonflons donc pas d’orgueil en pensant que nous sommes meilleurs chrétiens que les autres, non, nous sommes seulement des rescapés de la grâce, invités alors que nous ne le méritons pas. Reprendre conscience de cela doit nous tenir à la fois dans l’humilité et l’action de grâce.
Enfin, reste cette histoire de cet invité rejeté qui nous reste en travers de la gorge. Le pauvre, il a été récupéré sur le chemin, comment lui reprocher qu’il n’ait pas la tenue adaptée aux noces ? En fait, il semble que dans les mariages juifs, on distribuait, à l’entrée, sinon un habit de noces, au moins un signe festif pour ceux qui n’avaient pas eu les moyens de se payer une tenue d’apparat. Cet homme, il est donc passé à travers les mailles du filet, il n’avait pas la tenue, mais, sûrement par manque d’humilité, il a refusé ce qu’on voulait lui offrir pensant qu’il était bien comme ça. Voilà pourquoi il est rejeté, il a refusé que la miséricorde du Seigneur vienne recouvrir sa misère. Ainsi en sera-t-il pour nous, si, dans une grande opération vérité, nous refusons de de reconnaitre notre misère et si nous refusons que la miséricorde ne vienne recouvrir cette misère.
Venons-en à la fête que nous célébrons aujourd’hui, la fête de Marie-Reine. On peut dire que, parmi tous les titres donnés à Marie, il y en a deux qui les résument tous : elle est Mère et Reine. Lors de la fête de l’Assomption, c’est plus la Mère que nous avons célébrée.
Marie est arrivée au ciel et, nous le savons, Marie est un peu une Mère-Poule qui ne rêve que de pouvoir réunir tous ses enfants autour d’elle. L’icône installée dans le cloitre en la fête de Notre Dame du Mont Carmel nous donne une bonne idée de ce que contient ce titre de Mère, de Mère-Poule, attribué à Marie, elle ouvre largement son manteau pour que tous ceux qui ont besoin de sa protection puissent y trouver un refuge sûr, préfiguration de ce qui se passera au ciel quand nous serons tous réunis sous son manteau glorieux dans la communion avec Jésus pour chanter éternellement, dans la joie de l’Esprit, les louanges de Dieu le Père.
L’autre titre, celui de Marie-Reine qui est l’objet de la fête de ce jour, c’est plus la statue historique de la chapelle, derrière moi, qui permet d’en rendre compte. Marie est couronnée et elle tient un sceptre, elle est donc bien représentée comme reine, mais une reine qui partage la royauté de son Fils, qu’elle porte dans ses bras, lui aussi couronné. On le voit, tous les privilèges de Marie sont obtenus par une grâce que son Fils lui accorde. Et de quoi Marie est-elle Reine ? Aujourd’hui, on aime bien donner ce titre de reine à des femmes, il y a les reines des crêpes en Bretagne, de la socca à Nice et tant d’autres ! De quoi Marie est-elle reine ? Eh bien de l’accueil, tout ce qu’elle est, elle l’a accueilli comme un don de la grâce.
Prions la en ce jour, pour qu’elle nous aide à tendre nos mains vides afin que jamais nous ne soyons refoulés pour ne pas avoir osé présenter nos misères à la miséricorde du Seigneur qui veut nous donner ce cœur nous-veau, cet esprit nouveau et résolu.