Dans la lettre aux Galates, au chapitre 5, Paul énumère un certain nombre de fruits de l’Esprit tous plus désirables les uns que les autres. Ces fruits correspondent à l’action du Saint-Esprit en nous ; en effet, quand nous l’accueillons et le laissons agir, il produit ces beaux fruits. Alors, il ne les produits pas forcément tous en même temps, pas tous de manière permanente, à certains moments de nos vies, nous constatons que tel fruit sera plus visible que tel autre. En Jésus parce qu’il est Fils de Dieu, habité en permanence par le Saint-Esprit, nous voyons tous ces fruits à l’œuvre simultanément. La page d’Evangile que nous venons d’entendre nous permet d’en voir un particulièrement actif, c’est la patience !

Une nouvelle fois, comme je l’expliquais la semaine dernière, Jésus a profité d’un temps de marche pour former ses disciples. Et, comme dans l’Evangile de dimanche dernier, il les prépare aux événements douloureux qu’ils vivront avec lui, à sa mort violente. La semaine dernière, c’était Pierre qui lui faisait des reproches, là, il semble que c’est tout le groupe qui, comme on le dit aujourd’hui, botte en touche. St Marc note : mais les disciples ne comprenaient pas ces paroles
et ils avaient peur de l’interroger.
 Au lieu de relancer la discussion avec Jésus, au lieu de lui demander comment tout ce qu’il vient d’annoncer pourrait être possible, comment Dieu pourrait-il laisser ces événements se dérouler, les apôtres se disent : s’il va mourir, il faut savoir qui sera le chef quand il ne sera plus là !

Jésus avait dû entendre quelques bribes de cette conversation si déplacée, c’est pourquoi il les interroge et on comprend facilement qu’ils ont tous eu honte, du coup personne n’a osé faire état du contenu de leurs discussions. C’est là que la patience de Jésus est extraordinaire. Il aurait pu laisser transparaitre sa fatigue, son énervement devant cette attitude des apôtres. Rien de tout cela ! Il s’assied et recommence à les enseigner, mais cette fois, il ne fait pas un discours, il pose un geste symbolique comme pour leur dire : quand je parle, j’ai l’impression que vous ne comprenez pas ! Alors, prenant un enfant, il le place au milieu du groupe des apôtres. Pour Jésus, c’est donc clair, en plaçant un enfant au milieu d’eux, il invite ses apôtres à s’identifier à cet enfant. On va voir que c’est très important mais avant, je veux juste souligner que le texte a pris soin de préciser qu’il l’embrasse. Puisque cet enfant représente symboliquement ce que les apôtres sont appelés à devenir, par ce geste, Jésus montre à chacun d’eux l’affection qu’il leur porte. Ils viennent, une fois de plus, de dérailler, de décevoir Jésus, mais par ce geste, il redit la puissance des liens qui l’unissent à chacun de ses apôtres. C’est encore plus que de la patience !

Pourquoi Jésus a-t-il choisi de placer un enfant au milieu d’eux ? Vous l’avez compris, il l’a fait pour les recadrer, mais comme je viens de le souligner, c’est un recadrage en douceur. Qu’est-ce que Jésus cherche à leur faire comprendre en plaçant cet enfant au milieu d’eux ? C’est clair : au moment où les apôtres s’interrogeaient pour savoir qui, parmi eux, était le plus grand, Jésus place au milieu d’eux un petit. Et il leur dit : Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé. Autrement dit, en présentant cet enfant et en prononçant cette parole, Jésus les invite à quitter leurs rêves de grandeur. En Jésus, Dieu n’a pas craint de se faire bébé, enfant, c’est-à-dire qu’il a épousé pour toujours la petitesse et la fragilité, alors, dans ces conditions, comment rêver de grandeur ?

C’est bien là que se situe l’un des plus grands drames. Pour nous rencontrer et nous sauver, nous qui sommes petits, pauvres et fragiles, Dieu n’a pas hésité à descendre, le Très-Haut s’est fait le Très-Bas. Et nous, avec nos rêves de grandeur, nous cherchons sans cesse à fuir notre petitesse, notre pauvreté, notre fragilité. Comment le rendez-vous d’amour avec le Seigneur pourra-t-il avoir lieu dans ces conditions ? Si quand lui descend, nous, nous cherchons à monter, nous ne ferons que nous croiser, sans jamais nous rencontrer ! Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé.

Et, dans la 2° lecture, St Jacques, insistait pour dire que ces rêves de grandeur, non seulement nous empêcheront de rencontrer le Seigneur, mais ils nous empêcheront aussi de rencontrer en vérité nos frères. Ces rêves de grandeur qui se traduisent par un esprit permanent de convoitise sont à l’origine de tant de dérèglements dans nos relations. Réécoutons St Jacques : D’où viennent les guerres,
d’où viennent les conflits entre vous ? N’est-ce pas justement de tous ces désirs qui mènent leur combat en vous-mêmes. Vous êtes pleins de convoitises et vous n’obtenez rien, alors vous tuez ; vous êtes jaloux et vous n’arrivez pas à vos fins, alors vous entrez en conflit et vous faites la guerre.
 Et bien évidemment, quand St Jacques parle de guerre, il ne parle pas que de combats entre pays, il vise aussi tous ces conflits qui pourrissent nos relations dans nos communautés, nos familles, nos voisinages.

Par l’intercession de Notre Dame de Laghet, demandons la grâce de renoncer à tous nos rêves de grandeur et d’accueillir joyeusement notre pauvreté et celle des autres puisque le Seigneur a décidé de l’épouser.