24 décembre : Messe de la nuit de Noël

Par Père Roger Hébert

Nous avons pris l’habitude de construire toute une histoire autour du fait qu’il n’y avait pas de place pour Marie et Joseph quand ils sont arrivés à Bethléem. Oui, sans doute qu’il n’y avait plus beaucoup de place avec tous ces gens venus se faire recenser. Mais de là à ce qu’on laisse dehors une femme prête à accoucher, non, ce n’est pas possible et cela pour deux raisons.

  • Pour un juif, une femme enceinte était toujours susceptible de donner naissance au Messie donc personne n’aurait voulu assumer cette responsabilité de ne pas avoir fait de place dans sa maison pour le Messie en refusant d’accueillir sa mère. Evidemment, les gens de Bethléem ne savaient pas que Marie portait effectivement le Messie, mais comme toute femme enceinte était potentiellement la mère du Messie, il est impensable que Marie prête à accoucher n’ait pas été accueillie.
  • Ensuite, ce n’est pas possible qu’ils n’aient pas de trouvé de place en raison de la tradition d’hospitalité qui est comme une seconde nature chez les gens de ce pays et des pays alentours. J’ai moi-même vérifié cela au cours d’un séjour en Terre Sainte. Donc que personne m’ait ouvert sa maison en acceptant de se serrer, ce n’est pas possible ! D’autant plus que dans chaque village, il y avait un caravansérail qui étaient comme le lieu dans lequel chacun pouvait trouver un hébergement, précaire, certes, mais à l’abri.

Alors pourquoi l’Evangile dit-il : Or, pendant qu’ils étaient à Bethléem, le temps où elle devait enfanter fut accompli. Et elle mit au monde son fils premier-né ; elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire, car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune. C’est sans doute une erreur de traduction qui se répète qui fait dire les choses ainsi. Sans vouloir jouer au spécialiste que je ne suis pas, j’ai encore vérifié le texte grec et, dans la traduction très littérale dont je me sers souvent, voilà ce qui est dit : dans la salle commune, ce n’était pas un bon lieu pour eux. Autrement dit, il ne fait pas traduire : car il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune mais car, dans la salle commune, ce n’était pas la bonne place pour eux.

Et pourquoi donc ce n’était pas la bonne place ? Tout simplement parce qu’un accouchement demande un minimum d’intimité. La salle commune, c’est-à-dire le caravansérail, ressemblait à un cloitre couvert avec, au milieu un espace pour les bêtes, il y avait sûrement beaucoup, beaucoup de monde ce jour-là. Mais, en ses serrant un peu, on aurait pu leur faire une place, oui, c’est évident, mais ce n’était pas la bonne place pour un accouchement !

Mesdames, vous vous verriez accoucher au milieu d’une salle des fêtes pleine à craquer ? Non, ce n’est pas la bonne place pour un accouchement. Ce n’est pas Dieu qui a fait la fine bouche en disant qu’il ne voulait pas que son fils arrive au monde au milieu de la populace ! Non, ça, ça ne dérange pas Dieu, au contraire ! Il aime tellement être au milieu de son peuple. En grandissant, Jésus le prouvera, lui qui aimait tant se trouver au milieu des foules, dormir au milieu de ses apôtres à la belle étoile ou dans les conditions précaires des maisons de Capharnaüm. Donc, la promiscuité, ce n’est un problème ni pour Dieu, ni pour Jésus, ni bien sûr pour la Sainte Famille. Mais la salle commune, ce n’était pas un bon lieu pour le moment de l’accouchement et pour la suite immédiate de cet événement qui demandait silence et tranquillité.

Vous pourriez alors m’objecter que si la salle commune n’était pas un bon lieu pour cet accouchement, l’étable ce n’était guère mieux ! Mais là, ça ne dérangeait pas Dieu pour plusieurs raisons que je me permets d’énumérer.

  • D’abord, ça lui a fait plaisir à Dieu de voir son Fils naître sur la paille ! Dès le début de son existence, Jésus rejoignait ainsi les plus pauvres, ceux qui dès le début du mois connaissent déjà les fins de mois difficiles, ceux dont on dit justement qu’ils sont sur la paille !
  • En plus, naître dans une mangeoire, c’était comme prophétique pour celui qui allait donner son corps à manger en instituant l’Eucharistie. Cette mangeoire préfigurait donc la table de l’Eucharistie où le Christ s’offrirait en nourriture. Il est d’ailleurs né, presque par hasard, à Bethléem ; sans le recensement, il serait né à Nazareth. Mais Bethléem, c’était bien pour celui qui voulait se faire Pain de Vie puisque ce nom, en hébreu, signifie : la maison du pain.

Vous le comprenez donc, une étable, comme demeure pour le Fils de Dieu, ce n’était pas un problème, c’est même carrément la bonne place pour lui. J’insiste parce qu’il y a là, pour moi, une extraordinaire bonne nouvelle, une très grande espérance. En effet, si nous voulons être honnêtes et lucides, nos cœurs ressemblent souvent à une étable. Nous y faisons régulièrement le ménage en vivant le Sacrement du pardon, mais l’odeur d’étable revient vite en raison du péché qui nous colle à la peau. A cause de cela, nous pourrions vite être envahis par un sentiment d’indignité qui nous tiendrait éloigné du Seigneur. A chaque fois que nous serions tentés de nous laisser envahir par ce sentiment, rappelons-nous que Jésus est né dans une étable et que c’était un bon lieu, une bonne place pour lui … il ne dédaignera donc pas établir sa demeure dans nos cœurs même quand ils ressemblent à une étable.

Non seulement, ça ne l’éloignera pas, mais ça lui rappellera le parfum de Bethléem ! Avant de communier, nous disons : je ne suis pas digne et cette reconnaissance suffit pour qu’il accepte de venir. Le curé d’Ars aimait dire à ses paroissiens : vous n’êtes pas dignes de recevoir le Seigneur, mais vous en avez besoin ! C’est tellement vrai ! Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir dans mon cœur qui ressemble à une étable, mais j’ai besoin de ta présence et je crois qu’aujourd’hui, comme hier, à Bethléem, tu choisis l’étable de mon cœur comme un bon lieu pour toi, tu es heureux d’établir dans mon cœur-étable ta demeure.

Il y a 4 heures et quelques, le Pape François a ouvert le jubilé de 2025. Tous les 25 ans, l’Eglise propose un temps de jubilé, nous nous rappelons sans doute le Grand Jubilé de l’an 2000. Elle propose ce temps précisément pour que nous puissions jubiler, nous réjouir de savoir que Dieu a envoyé son Fils pour nous sauver et que ce Fils n’a pas refusé de naitre dans une étable et qu’aujourd’hui encore, il accepte de venir chez nous, établir sa demeure. Chez MacDo, il y a les grandes affiches : Venez comme vous êtes ! C’est ce que le Seigneur nous demande : laisse-moi faire ma demeure dans ton cœur, tel qu’il est et ma présence l’illuminera, ma présence t’encouragera à ne pas laisser ton cœur tel qu’il est. Le thème de ce jubilé de 2025, c’est l’espérance, avouez que la naissance de Jésus, telle qu’elle s’est passée ouvre une très grande espérance.

Par l’intercession de Notre Dame de Laghet, demandons la grâce de savoir partager cette espérance, tout au long de cette année de jubilé, à tous ceux qui ont de la peine à croire que Dieu puisse s’intéresser à eux à cause de l’état de leur cœur.

ai, l’espérance ne déçoit pas !