24 décembre : Messe de la Nuit de Noël
Si vous êtes de la région, vous connaissez forcément le fameux monument appelé « le trophée d’Auguste » à La Turbie. Et si vous n’êtes pas de la région et que vous profitez de votre séjour pour aller à Monaco, vous ne pourrez pas passer sans le voir. Ce monument a été élevé à la gloire d’Auguste, donc l’empereur romain, dans les mêmes années qui ont vu la naissance de Jésus puisque les historiens le datent de 7 ou 6 avant Jésus-Christ. Au temps de sa splendeur, le monument atteignait 50 mètres de haut, soit la hauteur d’un immeuble de 15 étages, c’est dire s’il dominait l’ensemble de la région pour ne pas dire qu’il l’écrasait de sa puissance majestueuse. Il avait été construit pour célébrer les victoires de l’empereur qui avait enfin pu mater les derniers résistants, les peuples des Alpes, qui l’empêchaient de commercer et de faire circuler ses troupes. Il fallait que la puissance de Rome puisse être vue de tous et crainte par tous, c’était le but de l’architecture monumentale de ce Trophée qui montrait que rien ni personne ne viendrait ébranler la puissance de l’empereur.
20 siècles après, que reste-t-il ? De très beaux vestiges, certes, mais ces quelques colonnes sur leur soubassement montrent que l’empereur et son empire se sont effondrés. Ce monument construit de manière écrasante sur les hauteurs pour que personne ne puisse passer dans la région sans le voir est aujourd’hui une magnifique illustration du dicton latin souvent cité dans Astérix : « sic transit gloria mundi », c’est-à-dire « ainsi passe la gloire du monde ! » A la même époque, le roi Hérode, en Palestine, a lui aussi été pris par le désir de montrer sa puissance. Il se fait construire, ironie de l’histoire, à 6 km de Bethléem, au sommet d’une colline qu’il avait fait ériger artificiellement, un palais majestueux appelé l’Herodion. De ce palais, aujourd’hui, il ne reste même pas des ruines visibles, tout a disparu, les archéologues essaient de mettre à jour quelques rares vestiges ! « Sic transit gloria mundi ! » « Ainsi passe la gloire du monde ! »
Dans le même temps, Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, de l’univers visible et invisible, Dieu qui tient tout dans sa main, Dieu sans qui rien ne peut subsister, ce Dieu, notre Dieu décide d’envoyer son Fils dans le monde et quel lieu choisit-il qui soit digne de ce Fils ? Une étable à Bethléem ! Le contraste est saisissant et il ne cessera de se confirmer puisque, pendant 30 ans, ce Fils habitera Nazareth, un bled tellement insignifiant qu’il n’est jamais cité dans la Bible avant l’arrivée de Jésus. Le contraste est saisissant ! Et on peut dire que l’histoire n’a fait que confirmer ce choix de Dieu. Les plus grandes apparitions de la Vierge ont eu lieu dans des coins perdus au milieu de nulle part ! Ce qui est devenu la grotte de Lourdes, au temps de Bernadette, on l’appelait la tutte aux cochons tellement ce lieu était sale et obscur. A Guadalupe, c’est sur une colline totalement inhabitée, loin de tout qu’apparait la Vierge. Ne parlons pas de La Salette ou de Notre Dame du Laus perdus dans la montagne. Ici, il n’y a pas eu d’apparition, mais c’est au creux du vallon de Laghet que les prodiges ont été réalisés à la prière de la Vierge, ce n’est pas sur le mont Agel qui domine fièrement toute la région.
Tout ce qui a été construit avec arrogance par des hommes qui ont voulu montrer leur puissance, l’imposer par la force en prétendant qu’elle serait inébranlable, tout cela s’est effondré. « Sic transit gloria mundi ! » « Ainsi passe la gloire du monde ! » Alors que, ce que Dieu a construit dans l’humilité de ses choix, tout cela tient et ça fait même mieux que tenir puisque depuis 20 siècles, le christianisme ne cesse de connaître une progression constante. Certes, chez nous, dans la vielle Europe, il décline, mais à l’échelle du monde, les chiffres publiés chaque année, le prouvent, le nombre de chrétiens ne cesse d’augmenter. C’est le Magnificat qui est réalisé : les orgueilleux, il les disperse, les humbles, il les élève ! De tout cela, je voudrais en tirer 3 enseignements.
1° enseignement, c’est une invitation à l’espérance : Tous les systèmes orgueilleux, tous les pays dominateurs ont fini par s’effondrer. Les ruines du trophée de La Turbie en sont la preuve. Et il en a été ainsi tout au long de l’histoire. Aujourd’hui, des systèmes politiques, des pays dominateurs, des religions arrogantes peuvent légitimement nous effrayer. Croyons que leurs jours sont comptés, alors, bien sûr, ils peuvent durer encore et faire du mal, mais leurs jours sont comptés, n’en doutons pas.
2° enseignement, c’est une mise en garde : méfions-nous des rêves de puissance qui peuvent nous habiter ! Quand nous rêvons que notre Eglise retrouve la puissance qu’elle a perdue et qu’elle puisse à nouveau tout dominer, tout diriger. Ce ne sont pas dans les périodes où l’Eglise a été très puissante que son témoignage a été le plus conforme à l’Evangile ! Ne rêvons donc pas de puissance, ni pour notre Eglise en général, ni pour nos communautés, ni pour notre sanctuaire. Rappelons-nous les leçons de l’histoire et adoptons toujours plus résolument les manières de faire de Dieu qui se révèle dans l’humilité. Ceci dit, l’humilité n’est pas la médiocrité, n’ayons donc pas peur de chercher les meilleurs moyens pour permettre à la mission qui nous est confiée de porter beaucoup de fruits. Jésus nous dit dans l’Evangile que la Gloire de Dieu, c’est justement que nous portions de beaux fruits, mais c’est donc bien clair, c’est pour la Gloire de Dieu et pas pour notre gloire ni pour la gloire de nos institutions que nous cherchons à porter des fruits.
Avec le 3° enseignement, je veux terminer par une très grande bonne nouvelle. Que le Seigneur est bon d’avoir préféré, pour venir au monde, une étable plutôt qu’un monument ressemblant au trophée d’Auguste ! Parce que, s’il avait choisi un monument grandiose, vous et moi, nous serions recalés, aucun d’entre nous ne pourrait prétendre offrir son cœur pour qu’il devienne comme une crèche pour le Sauveur. Car le mystère de Noël continue à s’accomplir, le Seigneur ne cesse de vouloir venir au milieu de nous, il ne cesse de vouloir habiter au cœur de notre cœur par le grand mystère de l’Eucharistie. Mais je le sais trop bien, mon cœur il ressemble plus souvent à l’étable de Bethléem qu’au trophée d’Auguste et j’imagine qu’il en va de même pour vous ! Eh bien, l’immense Bonne Nouvelle, c’est que le Seigneur agrée avec reconnaissance la proposition que nous lui faisons d’offrir nos pauvres cœurs pour qu’ils deviennent cette crèche dans laquelle il trouvera toujours une place.
Que notre Dame de Laghet nous donne de pouvoir goûter la grande joie de Noël en ouvrant largement nos coeurs pour que le Seigneur puisse y trouver encore une crèche accueillante. Qu’elle nous aide à ne jamais oublier cette grande vérité qui nous fera choisir de vivre dans l’humilité : « sic transit gloria mundi ! »