25 décembre : Noël – messe du jour
Ce Noël est tout à la fois marqué par la tragédie qu’ont vécu et que vivent encore nos compatriotes de Mayotte, sachant qu’en de nombreux autres lieux du monde, d’autres tragédies ont aussi lieu à cause de la guerre, de la haine, de la pauvreté et de tant d’autres fléaux. Mais ce Noël est aussi marqué par l’ouverture solennelle du jubilé que le Pape François a effectué hier soir en ouvrant la porte sainte de la basilique St Pierre à Rome. Tous les 25 ans, les papes ouvrent un jubilé pour que nous reprenions un peu mieux conscience de la grâce que Dieu nous a faite en nous envoyant son Fils Jésus. Nous nous rappelons encore le grand jubilé de l’an 2000, enfin, je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître ! Chaque jubilé a son thème, le pape François a choisi de mettre celui de cette année 2025 sous le thème de l’espérance, nous invitant à devenir des pèlerins d’espérance, prenant comme boussole, la parole de l’épitre aux Romains qui dit que l’espérance ne déçoit pas. Oui, mais comment rester dans l’espérance quand, comme à Mayotte et en tant d’autres lieux, on a tout perdu, l’avenir semblant définitivement bouché.
Il me semble que l’Evangile d’aujourd’hui nous apporte une belle réponse, une réponse lumineuse et c’est vraiment le cas de le dire. St Jean, dans son Evangile ne raconte pas, comme St Luc, la naissance de Jésus, c’était le récit que nous avons entendu cette nuit. Il fait une méditation très théologique d’une puissance spirituelle incomparable. Pour lui, la venue dans le monde de Jésus, Fils de Dieu, est comparable à la venue de la lumière : Le Verbe était la vraie Lumière, qui éclaire tout homme en venant dans le monde. Mais cette lumière n’est pas celle d’un projecteur qui éblouit, selon les manières de faire de Dieu, cette lumière est une lumière discrète qui ne s’impose pas. Parce que Dieu est amour, il ne peut s’imposer, imposer sa présence, celle de son Fils, l’amour jamais ne s’impose, l’amour ne peut que se proposer.
Alors, comme il fallait s’y attendre, certains ont refusé d’accueillir cette lumière et même pire, ils ont cherché à l’éteindre en faisant mourir Jésus-lumière dès qu’ils ont pu ! Mais ils n’y sont pas arrivés, notre présence en ce jour en est la preuve, la lumière de la foi a continué à se propager dans le monde entier. Et, même dans les pays qui ont organisé une persécution systématique des chrétiens, la lumière n’a pu être éteinte, certes des milliers de chrétiens sont morts, mais la lumière de la foi, parce qu’elle est divine, n’a pu être éteinte. C’est ce qu’exprime St Jean dans ce verset : la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée. Et c’est bien là que se fonde l’espérance, pour nous qui participons tranquillement à cette messe, comme pour les chrétiens dont l’espérance est pourtant malmenée à Mayotte et ailleurs.
Pour bien me faire comprendre, je voudrais raconter une histoire. Les sœurs l’ont déjà entendue, mais comme elles sont bienveillantes, je sais qu’elles sont prêtes à la réentendre ! J’ai un tableau, dans mon appartement, à la maison des chapelains, qui est assez étonnant. Il n’y a pas grand monde qui vient dans mon appartement mais quelques amis sont venus et, en voyant le tableau, m’ont dit : Pourquoi tu as un tableau tout noir ? Je leur dis toujours : c’est exactement la question que j’ai posé à la personne chez qui était ce tableau ! C’est une personne qui a du goût et je me demandais bien pourquoi elle avait fait cette acquisition d’un tableau qui semblait tout noir ! Je lui en ai fait la remarque et elle m’a dit : regardez bien !
En effet, ce tableau, il n’était pas totalement noir, il y avait, en bas à gauche une minuscule tache de lumière, en la regardant bien, on se rend vite compte qu’elle représente un flambeau dans la nuit noire. Et, chose bien plus extraordinaire, quand on fixe cette lumière un moment, on se rend compte, peu à peu, que le tableau n’est pas noir ! Il y a des façades de maisons qui émergent dans la nuit, une place avec au moins une personne qui la traverse, un arbre. Comme vous le constatez, le tableau finalement est loin d’être noir ! Oui, mais pour voir tout cela, il y a une condition : il faut fixer le petit flambeau qui semble si dérisoire dans le noir si envahissant. Elle a eu vraiment raison de me dire : regardez bien ! Ce que j’ai vu m’a émerveillé et j’ai tout de suite fait le rapprochement avec cette parole du prologue de St Jean que nous avons entendue : la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée. Du coup, le tableau m’a été offert et je peux désormais le regarder chaque jour, plusieurs fois par jour !
Chaque regard posé sur ce tableau est comme une question qui m’est posée : Roger que vas-tu choisir de regarder aujourd’hui ? Est-ce que ton œil, l’œil de ton cœur sera attiré par la nuit, la noirceur ? Si c’est le cas, tu verras tout en noir et, c’est bien connu : noir, c’est noir, il n’y a plus d’espoir ! Ou bien vas-tu regarder la petite lumière toute fragile qui, quand on la fixe, fait émerger tant de belles choses de la pénombre ? Et, quand la nuit n’est plus aussi noire, l’espérance devient à nouveau possible. Cette question que je me pose quotidiennement, nous sommes invités à nous la poser en cette fête de Noël qui marque le début du jubilé de l’espérance. Nos yeux, par quoi sont-ils attirés ? La noirceur ou la lumière aussi fragile soit-elle ?
Par l’intercession de Notre Dame de Laghet, demandons la grâce de rééduquer nos regards pour que, en ce jour de Noël et tout au long de ce jubilé, nous soyons attentifs à regarder la lumière et que nous soyons désireux de tourner les regards de ceux que nous rencontrons vers la Lumière pour que nous puissions tous vivre de l’espérance et expérimenter que, c’est bien vrai, l’espérance ne déçoit pas !