Ne jamais sacrifier l’essentiel pour l’urgent car le plus urgent c’est de s’occuper de l’essentiel !
Le 28 septembre : jeudi 25° semaine ordinaire

Par Père Roger Hébert

 

La 1° lecture était tirée du livre d’Aggée, ce petit prophète qui prophétisa au retour de l’Exil à Babylone, c’est-à-dire après 537. Nous pourrions vite décrocher en entendant un tel texte en nous disant : mais en quoi ça me concerne, moi, aujourd’hui, ces histoires ? Qu’est-ce que j’ai à voir avec Darius, Zorobabel fils de Salathiel, et Josué fils de Josédeq ? La Bible nomme bien souvent les personnages en nous donnant leur généalogie et ce n’est pas un détail exotique puisque ce sont ces précisions qui vont nous permettre de dater les événements dont il est question. Du coup, nous comprenons que cette histoire sainte n’est pas une histoire inventée et nous réalisons un peu mieux que c’est dans l’histoire que Dieu aime agir. Il a agi au cœur de l’histoire bien tourmentée de ce peuple des hébreux, qu’il avait choisi pour en faire son peuple témoin, et il a transformé son histoire en histoire sainte. Eh bien, de la même manière, il agira au cœur de nos histoires souvent tourmentées pour en faire des histoires saintes. Régulièrement, nous devrions prendre le temps de nous poser pour relire nos histoires et repérer les traces du passage de Dieu. Oh, la plupart du temps, ce sont des traces discrètes. Il n’ouvrira sans doute pas la mer Rouge devant nous, mais nous pouvons repérer comment son amour patient et persévérant nous libère peu à peu de nos esclavages. Oui, qui que nous soyons, Dieu s’intéresse à nous et il veut faire de nos histoires saintes parce que visitées par son amour libérateur, recréateur.

Maintenant, cette lecture d’Aggée comportait un message très fort. Comme je l’ai dit, nous sommes au retour de l’Exil, ceux qui avaient été déportés reviennent, enfin ce sont plus souvent leurs enfants qui reviennent car l’Exil a duré plus de 50 ans. La perspective du retour les inondait de joie, on peut les comprendre ! Mais hélas, la réalité sera très compliquée : les maisons laissées par ceux qui avaient été déportés ont été très vite occupées par l’envahisseur qui n’en a pris aucun soin au moment où il devra quitter le pays. Ainsi donc tout est à reconstruire … y compris les murailles de Jérusalem et le Temple qui avait été saccagé puis détruit. Alors, se pose une question : par quoi faut-il commencer ? Le roi perse Darius a généreusement proposé de financer la reconstruction du Temple mais les exilés, eux, seraient partisans de commencer par reconstruire leurs maisons ! Et ceux qui n’avaient pas été exilés sont d’accord avec eux, commençons par nous occuper de nous et des infrastructures de la ville, ensuite, on s’occupera du Temple. Vous sentez tout de suite où se trouve le problème : nous d’abord et Dieu après !

C’est contre cette mentalité, cette décision que le prophète Aggée va intervenir, si vigoureusement, au nom de Dieu. Je relis les paroles cinglantes qui sont adressées au peuple : Ces gens-là disent : « Le temps n’est pas encore venu de rebâtir la maison du Seigneur ! » Or, voilà ce que dit le Seigneur par l’intermédiaire d’Aggée, le prophète : Et pour vous, est-ce bien le temps d’être installés dans vos maisons luxueuses, alors que ma Maison est en ruine ? Le message est clair : Dieu refuse de passer pour la 5° roue du carrosse ! Que les hommes puissent dire : nous d’abord et Dieu après, ça ne lui convient pas du tout ! Est-ce à dire que Dieu serait auto-centré, uniquement préoccupé de lui un peu comme l’étaient les divinités païennes ? Non, pas du tout ! La suite du texte nous montre l’enjeu et c’est là que ce texte devient extrêmement actuel et si percutant pour nous, aujourd’hui. Dieu nous prévient : si nous faisons une inversion des priorités, il y aura forcément des conséquences graves dans nos vies. On prête à Einstein cette maxime qui pourrait tout résumer : dans la vie, on sacrifie trop souvent l’essentiel pour faire face à l’urgent alors que le plus urgent, c’est de s’occuper de l’essentiel ! Comme c’est bien dit et comme c’est vrai ! Dans la vie, on sacrifie trop souvent l’essentiel pour faire face à l’urgent alors que le plus urgent, c’est de s’occuper de l’essentiel ! Souvent nous nous disons, il faudrait que je donne plus de temps à Dieu, à la prière, à la lecture de l’Ecriture, ça serait essentiel, mais voilà, les engagements de ma vie trépidante ne me permettent pas de le faire, il y a tellement d’urgences qui s’imposent à moi ! Dans nos vies, nous sacrifions trop souvent l’essentiel pour faire face à l’urgent alors que le plus urgent, ça serait que nous nous occupions de l’essentiel !

Ecoutez, c’est exactement ce que disait Dieu par le prophète Aggée : Vous avez semé beaucoup, mais récolté peu ; vous mangez, mais sans être rassasiés ; vous buvez, mais sans être désaltérés ; vous vous habillez, mais sans vous réchauffer ; et le salarié met son salaire dans une bourse trouée. Vous comme moi, quand nous ne mettons pas les priorités là où elles doivent être mises, nos vies finissent par être vides, il n’y a plus de fécondité, nous nous fatiguons pour très peu de résultats. C’est ce qui se passe à chaque fois que nous oublions que le plus urgent c’est de nous occuper du plus essentiel, c’est-à-dire de Dieu. Jésus le dira avec ses mots à lui dans l’Evangile : cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice et tout le reste vous sera donné en plus ! (Mt 6,33) Oui, quand nous mettons Dieu à la 1° place, la seule place qui lui convienne, tout le reste, dans nos vies, trouvera sa juste place. C’est ce que le Seigneur dira un jour à Ste Thérèse d’Avila avec des mots si simples et si percutants : Occupe-toi de mes affaires et moi, je m’occuperai des tiennes ! 

La lecture d’Aggée se terminait donc par une invitation pressante adressée au peuple à s’occuper prioritairement des affaires de Dieu : Allez dans la montagne, rapportez du bois pour rebâtir la maison de Dieu. Je prendrai plaisir à y demeurer, et j’y serai glorifié. Et comprenons bien, l’enjeu de la reconstruction du Temple, c’est de permettre à Dieu d’habiter, à nouveau, au milieu de son peuple. On comprend bien que c’est le plus urgent, le plus essentiel car, comme le dira St Paul : lorsque Dieu est avec nous qui pourrait être contre nous ? Rm 8,31 C’est bien ce que Dieu dit : quand le Temple sera rebâti, je prendrai plaisir à y demeurer … c’est-à-dire : je prendrai plaisir à demeurer au milieu de vous.

Comme vous pouvez le constater, cette lecture qui aurait pu, à première vue, nous sembler si loin de nous, de nos préoccupations, de nos vies se trouve être extrêmement actuelle et percutante ! Et elle se trouve magnifiquement illustrée par l’Evangile qui nous montre Hérode si interrogatif par rapport à Jésus, tellement interrogatif que le texte se termine en nous disant que Hérode cherchait à le voir. Ailleurs dans l’Evangile de Marc, il nous était dit : Hérode avait peur de Jean-Baptiste : il savait que c’était un homme juste et saint, et il le protégeait ; quand il l’avait entendu, il était très embarrassé ; cependant il l’écoutait avec plaisir.  Hérode voulait voir Jésus, il l’a vu, Hérode aimait entendre Jean-Baptiste, mais il était dans l’embarras car la parole de Jean-Baptiste était sans concession à son égard et dénonçait son péché. Autrement dit : Hérode sentait qu’il était essentiel qu’il se convertisse, mais il ne le faisait pas ! Dieu ne passait pas en 1° dans sa vie, c’était d’abord lui, d’abord ses plaisirs et Dieu ensuite !

Que Notre Dame de Laghet intercède pour nous afin que nous ne vivions plus comme Hérode ou comme le peuple des hébreux à son retour d’Exil, que nous ne disions plus : moi d’abord et Dieu ensuite ! Qu’elle nous aide à ne plus sacrifier l’essentiel pour l’urgent car le plus urgent, c’esrt que nous remettions l’essentiel au cœur de nos vies !