4 février : 5° dimanche temps ordinaire.
Accueillir la souffrance sans chercher à expliquer …
la dignité incomparable de la femme mise en lumière par Jésus.
J’espère qu’en venant à cette messe vous n’aviez pas le moral dans les chaussettes parce que, si c’était le cas, la 1° lecture n’a pas dû vous rebooster ! Vraiment, la vie de l’homme sur la terre est une corvée, depuis des mois je n’ai en partage que le néant, je ne compte que des nuits de souffrance. Le soir n’en finit pas : je suis envahi de cauchemars jusqu’à l’aube. C’est sûr qu’on aime mieux entendre des paroles tirées du livre d’Isaïe, ce livre dans lequel il y a tant de belles promesses, de belles paroles du genre : je t’ai appelé par ton nom, tu comptes beaucoup à mes yeux, tu as du prix pour moi car je t’aime ! (Is 43) Oui, c’est vrai, mais ce livre de Job, il est dans les Ecritures parce que, ce que dit Job, c’est aussi ce que pensent bien des personnes accablées par la souffrance et ici, au sanctuaire de Laghet, nous accueillons tellement de personnes qui pourraient reprendre mot pour mot ces paroles de Job. Alors, on comprend bien que la question se pose : à quoi bon vivre quand la vie semble se résumer à une accumulation incessante d’épreuves générant des souffrances à la limite du supportable ?
Le livre de Job est une merveille de ce point de vue, puisque Dieu ne va jamais couper la parole à Job, Dieu ne va jamais chercher à le faire taire en lui disant qu’il blasphème en tenant de tels propos à son égard. Et même mieux, vers la fin du livre, Dieu dira qu’il n’y a que Job qui a bien parlé. En disant cela Dieu disqualifie la parole des amis ou des pseudo-amis de Job qui, pendant de longs chapitres, vont chercher à justifier Dieu, à expliquer à Job pourquoi il souffre. La souffrance, elle ne s’explique pas, elle s’accueille dans un respect infini, dans le silence d’une présence, qui dit mieux que des paroles, la compassion. Très souvent, nous n’osons pas aller voir des personnes en grande souffrance et nous nous justifions de la manière suivante : je ne sais pas quoi lui dire ! Mais justement, il n’y a rien à dire, être là, c’est déjà beaucoup. En effet, comme elles font peur, tout le monde s’éloigne d’elles, ce qui fait qu’en plus de leur souffrance, ces personnes doivent aussi porter le poids de la solitude qui est peut-être encore plus lourd que tout le reste. C’est pour cela que Dieu ne fera jamais taire ceux qui, submergés par la souffrance, crieront vers Lui-même si leurs cris se transforment en accusations bien injustes.
Hier après-midi, nous avons vécu le 1° temps de ce qu’on appelle « la prière des frères » qui permet d’accueillir des personnes en souffrance et de prier pour elles. Nous avons demandé au St Esprit qu’il nous fasse la grâce d’être pour ces personnes les yeux du Seigneur qui voulait poser son regard d’amour sur elles, les oreilles du Seigneur qui voulait les écouter avec grande compassion, les mains du Seigneur qui voulait les combler de bénédictions, le cœur du Seigneur qui voulait soulager, restaurer ses enfants bien-aimés dans la tourmente. N’hésitez pas à faire connaître cette proposition qui aura lieu chaque 1° samedi du mois. Nous connaissons tous la merveilleuse parole de Claudel : « Jésus n’est pas venu expliquer la souffrance mais l’habiter par sa présence ». C’est bien la consolation apportée par la présence de Jésus que nous voulons offrir dans ce temps de « prière des frères », c’est cette même consolation qu’espèrent tous ceux qui souffrent et qui attendent notre visite, alors demandons la grâce de ne pas nous dérober.
C’est vrai, Jésus n’est pas venu expliquer la souffrance mais l’habiter par sa présence, l’Evangile nous l’a bien montré. Jamais Jésus ne développera de grands discours pour tenter d’expliquer l’inexplicable. Tous ceux qui chercheront à expliquer à des parents pourquoi ils ont perdu leur enfant sont sûrs de dire de grosses bêtises et de provoquer de profondes blessures. Jésus n’est pas venu expliquer la souffrance mais l’habiter par sa présence. Dans cet Evangile, comme dans tant d’autres passages, on le voit aller au contact des malades, des souffrants et ne jamais se dérober quand ils viennent à lui ou quand on les amène à lui. Dans le texte d’aujourd’hui, il y a 2 scènes différentes, la guérison de la belle-mère de Pierre et la guérison de tous ceux qui lui sont amenés au coucher du soleil. Le temps me manquera pour regarder en détail ces deux scènes, c’est pourquoi je vais m’arrêter à la 1° scène, celle de la guérison de la belle-mère de Pierre. Il pourrait y avoir une mention qui nous choque si nous la comprenons mal. Cette mention, c’est ce que fait la belle-mère quand elle est guérie, le texte nous dit : Jésus s’approcha, la saisit par la main et la fit lever. La fièvre la quitta, et elle les servait.
C’est-à-dire qu’on a l’impression que Jésus a guéri la femme de la maison parce que cette bande de bonhommes était incapable de se préparer le frichti ! Pierre les invite à la maison, mais, pas de chance, la belle-mère est malade, il n’y a rien de prêt ! Plutôt que de relever les manches et de s’abaisser à faire la cuisine, activité, à l’époque, réservée aux femmes, ils font intervenir Jésus ! Evidemment, il n’en est rien. En entrant dans la maison, Jésus a dû tout de suite voir qu’il y avait un problème. En effet, nous sommes un jour de sabbat, ce texte est la suite de celui de la semaine dernière qui nous montrait Jésus prêchant à la synagogue, un jour de sabbat, donc un samedi. Et c’est en sortant de la synagogue qu’ils vont chez Pierre. Le sabbat, chez les juifs, commençait le vendredi soir par un repas festif qui débutait par un très beau rite. La femme de la maison allumait les lumières du shabbat qui devaient brûler ensuite jusqu’au lendemain. Quand Jésus entre chez Pierre, il voit tout de suite qu’il y a un problème, la femme de la maison étant couchée, la maison est dans le noir.
Permettez-moi d’ouvrir une parenthèse : j’ai dit « la femme de la maison est couchée ». Certains utilisent souvent ce texte pour demander le mariage des prêtres, ils disent que les apôtres étaient mariés, la preuve, on parle de la belle-mère de Pierre, s’il avait une belle-mère, c’est qu’il avait une femme donc les prêtres peuvent se marier CQFD ! Mais avez-vous entendu parler de la femme de Pierre ? Jésus qui fréquentait assidument la maison de Pierre et qui était attentif à chaque personne n’aurait pas manqué de mettre en valeur la femme de Pierre si cette femme avait été dans la maison. Or, jamais on n’en parle, Pierre avait sûrement été marié, mais était-il veuf ? Nous n’en savons rien, en tout cas, on ne parle jamais de sa femme ! Donc n’utilisons pas ce texte pour échafauder de grandes théories ni dans un sens ni dans l’autre !
Revenons au texte. En entrant dans la maison qui est restée dans le noir, Jésus voit le problème et il va donc guérir la femme de la maison pour qu’elle puisse accomplir cette si belle mission confiée aux femmes : apporter la lumière dans sa maison, particulièrement le jour du sabbat. C’est grâce à la femme que la maison d’un juif se différencie de la maison d’un païen ; en effet, par cette lumière allumée au début du sabbat, la femme transforme sa maison en maison de prière. Et si Jésus guérit cette femme, c’est pour qu’elle puisse tenir sa place, accomplir sa mission dans cette maison, c’est pour que cette maison soit illuminée par la présence de Dieu. Alors, la maison redeviendra une maison de prière la distinguant des maisons des païens où l’on se contente de boire, manger, dormir. Jésus s’approcha, la saisit par la main et la fit lever. La fièvre la quitta, et elle les servait. On pourrait dire « elle accomplissait son service » et, maintenant, on voit bien tout ce qu’il peut y avoir derrière cette expression qui ne réduit pas la femme au statut de boniche des hommes mais l’élève à une dignité incomparable.
Par l’intercession de Notre Dame de Laghet, demandons au Saint-Esprit de nous éclairer pour que nous puissions voir de quelle(s) fièvre(s) nous avons besoin d’être guéri pour accomplir la mission qui est la nôtre, afin que nos frères ne restent pas dans la nuit. Demandons aussi la grâce de ne jamais nous dérober devant tous ceux qui souffrent et qui attendent que, par notre présence, nous leur apportions la consolation du Seigneur. Ce sont sans doute toutes ces intentions que Jésus lui-même a porté dans cette longue prière qui était mentionnée dans l’Evangile.