8 juin : Fête du Cœur Immaculé de Marie

Par Père Roger Hébert

Au lendemain de la fête du Sacré Cœur, l’Eglise nous propose de fêter le cœur Immaculé de Marie. Dans la proximité de ces 2 fêtes, nous pouvons lire comme un double appel que nous lance l’Eglise.

  • Le 1° appel, c’est de ne jamais séparer Marie de Jésus. Il est important d’entendre cet appel dans ce sanctuaire marial. En effet, ici, beaucoup de gens viennent prier Marie, parce qu’ils savent que, depuis 1652 et sans doute bien avant, mais c’est attesté depuis 1652, ici, le Seigneur entend les prières que la Vierge lui présente. Oui, mais le principal désir de Marie, c’est de nous conduire à Jésus, de nous donner Jésus. C’est pour cela que, dans la plupart des représentations chrétiennes, Marie tient toujours Jésus dans ses bras, prête à nous le donner, heureuse de nous le donner parce qu’elle sait que Jésus est le plus grand cadeau qu’elle puisse nous faire. Ne séparons donc jamais Marie de Jésus. Cette union des deux cœurs de Marie et Jésus est une spiritualité féconde qui a été développée au cours des siècles, notamment par St Jean Eudes au 17° siècle. J’aime la formule que Marthe Robin, la fondatrice des Foyers de Charité donnait aux retraitants : il s’agit d’aimer Marie comme Jésus l’aimait et d’aimer Jésus comme Marie l’aimait. Tout est dit dans cette formule d’un équilibre absolument parfait.
  • Le second appel, c’est de comprendre ce que Jésus doit à Marie. Le jour de la fête de la Visitation, nous avons reçu, ici, au sanctuaire de Laghet la relique du crâne de St Thomas d’Aquin, le célèbre dominicain. L’un des frères du couvent de Nice est venu nous donner un enseignement sur la place de Marie dans la réflexion de St Thomas. Et il a très bien montré que St Thomas insistait pour dire que la maternité de Marie à l’égard de Jésus n’a pas été une maternité spirituelle. Jésus a hérité des chromosomes de Marie. St Thomas ne le disait pas en ces termes car, à son époque, on n’était encore pas très avancé dans les connaissances biologiques, mais c’est ce qu’il voulait dire. Marie a donné à Jésus une partie de son héritage génétique, peut-être lui a-t-elle donné la couleur de ses yeux, la forme de son nez, que sais-je encore ! Au-delà de toutes ces caractéristiques physiques, à n’en point douter, Jésus a aussi appris de Marie comment on aimait. Bien sûr, comme Fils de Dieu, il n’était qu’amour, mais ensuite, cet amour, il lui a fallu apprendre comment le décliner dans toutes les situations concrètes de l’existence. On peut donc dire que le cœur immaculé de Marie aura, en partie, formé le Sacré-Cœur de Jésus. C’est pour cela que, sur la croix, il demandera à Marie de s’occuper de St Jean et, au-delà de lui, de toute l’Eglise, il voulait que tout ce qu’il avait reçu de Marie, toute l’Eglise puisse, à son tour le recevoir.

Maintenant, je trouve très beau que, pour célébrer le cœur immaculé de Marie, l’Eglise ait choisi de nous faire entendre cet Evangile. C’est très beau parce que cet Evangile nous dit que, même avec son cœur immaculé, Marie a dû avancer dans la foi. On peut imaginer dans quel désarroi elle se retrouvait, avec Joseph, quand ils réalisent qu’ils ont perdu Jésus. Et voilà que lorsqu’ils le retrouvent, après lui avoir fait part de leur inquiétude, Jésus leur dit : « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? » Habituellement, on n’aime pas cette réaction de Jésus qui ne semble pas comprendre pourquoi ses parents ont été inquiets et pourquoi ils l’ont cherché. En fait, on n’arrive pas à comprendre cette parole parce que la suivante a été mal traduite. L’un des plus grands spécialistes de St Luc explique qu’il ne faut pas traduire la suite comme on le fait habituellement en disant : ses parents ne comprirent pas ce qu’il leur disait. Lui, le grand spécialiste de la langue grecque, utilisée par St Luc, propose de traduire : ses parents n’avaient pas compris ce qu’il leur avait dit. Pour bien comprendre, il faut se rappeler qu’à l’époque, chez les juifs, à 12-13 ans, un jeune garçon entrait dans la vie adulte. Cette entrée était célébrée par la cérémonie de la barmitsva, c’est ce que Marie, Joseph et Jésus avaient dû célébrer, entourés des gens de leur village à Jérusalem.

Et, si on en croit ce spécialiste de St Luc, la formule utilisée laisse penser que Jésus avait dû prévenir Marie et Joseph qu’avec ce pèlerinage à Jérusalem, il entrait dans une nouvelle phase de sa vie, dans laquelle, eux devraient accepter qu’il ne soit plus leur petit Jésus à eux. Il avait dû les préparer à cette opération si douloureuse pour une maman, et à fortiori pour une maman juive, il allait falloir couper le cordon. Comme toutes les mamans, Marie a dû faire un peu la sourde oreille, cherchant à repousser ce moment où son fils lui échapperait. Quand ils ont constaté que Jésus n’était plus avec eux, elle n’a donc pas dit : ça y est ce moment qu’il nous avait annoncé est arrivé, il va falloir que nous acceptions de le laisser conduire sa vie comme son Père du ciel lui demande de la conduire, éclairé par le St Esprit. Non, Marie n’avait pas entendu, compris ce que Jésus lui avait dit quand il avait cherché à préparer son cœur pour ce moment, elle a réagi en maman, comme toutes les mamans avec ses entrailles.

C’est pour cela que je trouve le choix de ce texte si beau. Il nous montre que Marie avait beau avoir un cœur immaculé, ça ne l’a pas empêchée de devoir cheminer dans la foi. Le concile Vatican II résumera d’ailleurs la vie de Marie comme un pèlerinage dans la foi. Alors, nous qui n’avons pas un cœur immaculé, ne nous étonnons pas que le chemin de notre foi soit parfois très raide, semé d’embûches, douloureux, ténébreux. Mais dans ces moments-là, quand le chemin sera trop dur, quand le découragement nous guettera, n’hésitons pas à crier vers Marie qui a pris ce chemin avant nous pour qu’elle nous prenne par la main et ne nous lâche plus.

C’est ce que nous demandons à Notre Dame de Laghet, pour nous et pour tous ceux que nous sommes venus porter dans notre prière.