13 juillet : 15° dimanche temps ordinaire : écoute ton cœur, c’est à dire, sois bon !

Par Père Roger Hébert

Avez-vous déjà entendu parler de loi naturelle ? C’est un concept traditionnel en morale mais qui est, hélas, de plus en plus contesté. Ce principe affirme que l’homme, quelle que soit son origine, sa religion, sait ce qui est bien, ce qui est bon et à l’inverse ce qui est mal. Personne, à moins d’être complètement détraqué, n’applaudira devant un être humain qui ferait volontairement, et sans raison, souffrir un autre humain ou même un animal. Au cœur du cœur de chacun, il y a inscrit cette loi qu’on appelle donc naturelle et qui nous permet intuitivement de repérer la différence entre le bien et le mal. C’est ce qu’affirmait la 1° lecture en disant que cette Parole, cette Loi qui nous pousse au bien est tout près de nous, dans notre bouche et dans notre cœur afin que nous la mettions en pratique. Pour nous, les croyants, l’existence de cette loi naturelle ne nous étonne pas puisque nous avons été créés à l’image de Dieu ; il est donc normal que Dieu ait imprimé cette loi au plus profond de notre être, dans ce sanctuaire sacré qu’on appelle la conscience. Comme le monde serait beau si chaque être humain, les croyants d’abord, mais pas seulement eux, tous les hommes de bonne volonté, écoutait la voix de sa conscience, éclairée par cette loi naturelle qui le pousse à rejeter le mal pour faire du bien.

C’est en quelque sorte sur la piste de cette loi naturelle que Jésus conduit ce docteur de la loi qui vient le voir pour l’interroger sur le chemin qui conduit à la vie, une vie pleine et épanouie, une vie qui se déploierait jusque dans la vie éternelle. Je vous invite d’abord à admirer le tact de Jésus, à la question qui lui est posée, Jésus ne répond pas directement, il commence par poser une autre question pour aider celui qui vient de l’interroger à réfléchir et à répondre lui-même. C’est du grand art ! De fait, celui qui a posé la question connaissait la réponse parce qu’elle se trouvait dans les Ecritures et, en partie, contenue aussi dans la loi naturelle : le chemin qui conduit à la vie, c’est le chemin de l’amour. Pourtant, notre homme ne va pas se contenter de cette réponse, il va encore poser une question : puisque, pour vivre, il faut aimer son prochain, qui est donc mon prochain ? Question un peu étonnante, c’est un peu comme si notre homme avait peur d’aimer trop de personnes, il demande à Jésus de lui faire la liste des personnes à aimer obligatoirement !

Cette question, Jésus, en grand pédagogue, n’y répond toujours pas par un développement théorique, il raconte une histoire, une parabole, cette parabole bien connue du bon samaritain. Mais c’est assez étonnant car cette histoire ne parle pas d’abord de quelqu’un qui cherche à faire du bien à son entourage. Elle nous parle de quelqu’un qui est très gravement blessé au bord du chemin et qui va faire cette expérience douloureuse de voir deux personnes passer à côté de lui sans s’occuper de lui. En les voyant arriver, il a sûrement dû beaucoup espérer qu’il allait s’en sortir, parce qu’il était impensable que ces personnes passent à côté de lui sans rien faire. Et pourtant ce fut le cas !

La 1° personne, c’est un prêtre, alors c’est vrai, la loi juive stipulait qu’un prêtre ne devait pas approcher un cadavre. Mais cet homme, il n’était pas mort, grièvement blessé, à demi-mort, dit le texte, oui, mais pas complètement mort, donc la loi interdisant au prêtre de toucher un cadavre ne s’appliquait pas ! Seulement voilà, si le prêtre est passé sans rien faire, c’est sûrement parce qu’il ne s’est pas approché, il l’a regardé de loin et a estimé que l’homme était mort et donc, en raison de statut et de la loi, il n’avait pas à s’en occuper. Voilà ce qui arrive quand nous regardons les personnes de trop loin, quand nous refusons de nous faire proches, nous risquons toujours de faire de très graves erreurs d’appréciation de leur situation. Et quel drame quand c’est un prêtre qui agit de la sorte, qui ne vit pas suffisamment proche de ses frères, qui regarde tout de loin sans s’intéresser vraiment à ce que les gens vivent ! Le 2° qui passe, c’est un lévite, un grand enfant de chœur du Temple, si vous voulez, il me plait d’imaginer qu’il a vu de loin l’attitude du prêtre et qu’il a donc imité son attitude, en se tenant, lui aussi à distance. C’est ce qui arrive quand les prêtres donnent le mauvais exemple, ils entrainent les autres dans leur propre médiocrité. Terrible !

Essayons, un instant, de nous mettre à la place de cet homme blessé, après le passage du prêtre et du lévite. Il a sûrement envisagé le pire en se disant : si un prêtre et son adjoint n’ont pas voulu s’occuper de moi, qui le fera ? Je suis condamné à mourir. Mais non, ce blessé va finalement être secouru par un homme qui aurait pourtant eu toutes les raisons de passer sans s’occuper de lui.

En effet, cet homme, c’était un samaritain. La parabole ne le précise pas mais c’est bien évident que le blessé était un juif. Or les Juifs détestaient les Samaritains qui, habituellement, le leur rendaient bien ! Ce Samaritain aurait donc pu passer son chemin en se disant : c’est bien fait pour lui ! Il aurait même pu l’achever par vengeance de ce que lui-même avait subi à d’autres occasions. Mais, non, c’est un homme dont la conscience n’a pas été obscurcie. Il voit un blessé et il écoute son cœur qui, selon cette fameuse loi naturelle, lui dicte de faire du bien. Et ce qu’il va faire est exceptionnel, il faut être attentif à toutes les actions qui sont mentionnées : à l’inverse du prêtre, lui, il s’approche ; il ose toucher, soigner le blessé comme il peut avec les moyens du bord ; il s’oublie lui-même, oublie sa fatigue et charge le blessé sur sa propre monture ; il le conduisit dans une auberge et prend encore plus soin de lui ; il donne deux pièces d’argent pour régler la facture et comme si ça ne suffisait pas, il signe un chèque en blanc en disant l’ l’aubergiste : Prends soin de lui ; tout ce que tu auras dépensé en plus, je te le rendrai quand je repasserai. Dans ce déploiement de miséricorde, ce Samaritain, nous le comprenons, est la parfaite image du Christ et

Vous vous rappelez la question du docteur de la Loi qui demandait : qui est mon prochain ? Autrement dit : qui dois-je aimer ? Qui suis-je obligé d’aimer ? Jésus ne répond pas en faisant la liste des personnes qu’il nous faudrait aimer et en conséquence de celles que nous ne serions pas obligés d’aimer. Il raconte cette histoire qui nous oblige à nous dire : s’il m’arrivait un tel drame, qui est-ce que je voudrais voir croiser mon chemin ? Un homme qui écoute son cœur, bien sûr ! Alors, dit Jésus : Va, et toi aussi, fais de même, sous-entendu : écoute ton cœur puisque, dans ton cœur, Dieu a déposé cette loi naturelle qui te permet de savoir ce qui est bon. Ecoute ton cœur et aime largement comme ce Samaritain.

Je termine en disant que le Deutéronome affirmait sans doute un peu trop vite : cette loi que je te prescris aujourd’hui n’est pas au-dessus de tes forces ni hors de ton atteinte. Oui, Dieu a mis cette loi dans nos cœurs, mais savoir ce qui est bien, ce qui est bon, hélas, ça ne suffit pas pour l’accomplir ! St Paul le développera de manière magnifique dans l’épitre aux Romains quand il dira : le bien que je voudrais faire, trop souvent, je ne le fais pas ; alors que le mal que je ne voudrais pas faire, trop souvent, je le fais ! Rm 7,19 Alors, par l’intercession de Notre Dame de Laghet, demandons la grâce, pour nous et pour tous les hommes, d’avoir une conscience qui ne soit pas obscurcie et connaissant ce qui est bien, d’avoir la force de l’accomplir. C’est bien cette force que nous sommes venus chercher dans cette Eucharistie.