7 juillet : 14° dimanche C : Jésus appelle ENCORE et TOUJOURS !

Par Père Roger Hébert

Depuis 11 ans, nous avons un nouveau lectionnaire liturgique, ce livre dans lequel se trouvent les lectures du dimanche et de la semaine. Pour faire paraitre ce nouveau lectionnaire, il a fallu réviser la traduction des textes existants. Les Evangiles, vous savez qu’ils ont été écrits en grec, il a donc fallu les traduire en français pour que nous les comprenions. Or quand on traduit, il y a toujours des choix à faire, un même mot peut souvent se traduire de plusieurs manières. Et puis, celui qui traduit a ses marottes, ses habitudes qu’au bout d’un moment on peut repérer. Parmi les traducteurs, il y devait y en avoir un qui aimait bien l’expression « en ce temps-là » et il l’a mise à toutes les sauces. C’est d’ailleurs ainsi que commençait notre Evangile d’aujourd’hui : En ce temps-là, parmi les disciples, le Seigneur en désigna encore 72 … Souvent, on peut comprendre l’utilisation de cette expression parce qu’elle permet de faire une transition, mais, aujourd’hui, je ne comprends pas ! En effet, le texte grec commence en disant « après cela ». Pourquoi n’a-t-on pas gardé ces mots ? Surtout n’allez pas penser que je chipote pour rien ! Quand, au début d’un texte, on lit « après cela » c’est une invitation à jeter un œil sur ce qui vient de se passer, ce qui n’est pas le cas avec l’expression « en ce temps-là » ! Or ce qui vient de se passer est très important et donne son sens au texte d’aujourd’hui.

Ainsi donc, regardons ce qui précède le texte lu aujourd’hui :

  • Sans remonter trop loin, je vois qu’au milieu du chapitre précédent, l’apôtre Jean vient se plaindre auprès de Jésus parce qu’il y a quelqu’un qui a fait du bien alors qu’il n’appartenait pas au groupe des apôtres. Ça a dû faire bouillonner Jésus, au moins intérieurement … comment se plaindre que quelqu’un fasse du bien sous prétexte qu’il n’a pas reçu le bon label ? Jean aurait plutôt dû se réjouir et partager sa joie à Jésus de voir que du bien se fait en dehors du groupe des apôtres.
  • Juste après, c’est un village de Samaritain refuse d’accueillir Jésus ; le même Jean, avec son frère Jacques, vient trouver Jésus pour lui dire : si tu veux, en utilisant la puissance dont tu nous as revêtus, nous pourrions nettoyer ce village en appelant le feu du ciel sur lui ! Là encore Jésus a dû bouillonner en se disant que ses apôtres avaient encore bien du chemin à faire pour que leurs cœurs soient accordés à son cœur de bon pasteur. Mais, il ne les a pas virés, patiemment, il les a enseignés.
  • Juste après, encore, et c’est le dernier épisode avant le texte d’aujourd’hui, un homme vient trouver Jésus lui demandant de pouvoir le suivre, Jésus pose les exigences, la réaction est immédiate : courage fuyons ! Ensuite, c’est Jésus qui appelle successivement deux hommes pour qu’ils le suivent : tous les deux ont de bonnes raisons de ne pas le faire. Pour parler comme les jeunes, Jésus vient de se ramasser 3 râteaux !

Croyez-vous que tout cela l’ait découragé et qu’il se soit tourné vers son Père pour lui dire : il va falloir trouver un plan B parce que les hommes ne sont vraiment pas fiables, ni les apôtres que j’ai déjà choisis, ni les autres ! Non, Jésus n’est pas découragé, Jésus ne se découragera jamais devant nos lenteurs ! La preuve, elle se trouve précisément au début du texte que nous avons entendu : Après cela, parmi les disciples le Seigneur en désigna encore soixante-douze ! Jésus ne sera jamais fatigué d’appeler des hommes qui, pourtant, très vite, ne se révèleront pas à la hauteur de ses espérances. Il vient de voir toutes les limites de ceux qu’il a appelés, il en appelle ENCORE 72, Jésus est vraiment merveilleux ! Alors, c’est sans doute le petit mot ENCORE qu’il faut souligner parce qu’il dit justement la patience et la persévérance de Jésus qui ne se découragera jamais devant les insuffisances des hommes. Si, nous-mêmes, nous avons été appelés par le Seigneur, nous le devons à sa patience.

En effet, nous faisons partie de ceux que Jésus a appelés ENCORE après tant d’autres. Même ceux qui ne sont pas prêtres, religieux, religieuses ont été appelés à être témoins de Jésus au titre de leur baptême. Comme les autres, comme tous les autres qui nous ont précédés, nous ne serons pas à la hauteur, mais Jésus a quand même voulu nous appeler alors qu’il connaissait nos insuffisances. Il nous a appelés pour nous envoyer afin de préparer les cœurs qu’il veut lui-même visiter, restaurer, emplir de son amour. Cette confiance qu’il nous accorde devrait nous tenir en permanence dans la gratitude et devrait aussi nous inviter à nous accrocher à sa miséricorde.

Pour cette mission, Jésus ne veut pas nous leurrer : Allez ! Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. C’est clair, ça ne sera pas facile tous les jours, mais ça, nous l’avons tous déjà expérimenté parce qu’il y en a un qui s’y entend pour nous mettre des bâtons dans les roues ! Mais nous le savons, plus il y a d’oppositions, plus il y a d’enjeux. Ne nous décourageons jamais !

Ensuite, il y a cette consigne très claire : Ne portez ni bourse, ni sac, ni sandales. Vous avez sans doute vu les témoins de Jéhovah, eux, ils ont toujours des gros cartables avec plein de revues dans lesquelles il y a réponse à tout ! Eh bien, Jésus nous dit : il ne faudra pas que vous soyez comme eux car il vous faudra toujours plus écouter que parler, c’est d’ailleurs pour cela que le Bon Dieu nous a fait 2 oreilles et une seule langue, pour que nous écoutions deux fois plus que nous ne parlons ! Quant à la consigne : ne saluez personne en chemin, il convient de bien la comprendre ; évidemment, Jésus ne nous demande pas d’être désagréables, il nous demande juste de ne pas perdre trop de temps en bavardages inutiles car, pour parler comme les jeunes, il y a du taff !

Ensuite, là où nous serons accueillis, soyons de ceux qui apportent la paix : dans toute maison où vous entrerez, dites d’abord : “Paix à cette maison.” Il y a tant de gens qui ne sont pas en paix, de familles qui ne sont pas en paix, que nous ne pouvons pas garder pour nous ce trésor de la paix que notre foi nous donne. Cependant, il pourra se faire qu’on ne nous accueille pas, eh bien, dans ces situations, Jésus nous invite à partir tranquillement sans entretenir de la rancune, c’est ainsi que je comprends la parole qui invite à ne pas emporter de poussière avec nous.

Enfin s’il nous arrive, comme les 72, de connaître, à certains moments, la joie de la réussite, Jésus nous invite à ne pas en faire le sujet principal de notre joie. En disant cela, il n’est pas rabat-joie, il veut seulement nous mettre en garde : si nous ne savons nous réjouir que lorsque nous réussissons tout ce que nous entreprenons, il risque d’y avoir des jours, des semaines peut-être même des mois bien difficiles quand nous ne réussirons pas ! Et pourtant, Jésus nous veut en permanence dans la joie, voilà pourquoi il dit : réjouissez-vous parce que vos noms se trouvent inscrits dans les cieux. Ça, ça restera toujours vrai, le ciel est tapissé avec chacun de nos noms et le Seigneur ne changera jamais la tapisserie !

Par l’intercession de Notre Dame de Laghet, demandons d’être établis dans cette joie de nous savoir appelés malgré nos insuffisances et dans cette joie de savoir nos noms inscrits dans les cieux.