27 juillet : 17° dimanche ordinaire : vivre une prière et familière et décentrée.

Par Père Roger Hébert

Pour beaucoup, le temps des vacances ou au moins le temps de l’été pour ceux qui n’ont pas de vacances, est un temps privilégié pour alimenter leur vie spirituelle, lectures, visites d’églises, monastères ou sanctuaires et donc prière. Alors, les lectures d’aujourd’hui tombent à pic puisqu’elles nous font entrer dans l’intimité de deux personnes qui prient et quelles personnes puisqu’il s’agit d’Abraham le père des croyants et de Jésus, le Fils de Dieu. S’il nous est donné d’entrer dans l’intimité de leur prière, c’est pour qu’ils puissent nous guider dans notre propre prière ; parce que, nul d’entre nous, ne pourra jamais se considérer comme un pro de la prière !

Je vois deux très beaux points communs dans la prière d’Abraham et dans celle de Jésus, ce sont donc ces 2 points que je veux développer en espérant qu’ils pourront nous aider à nourrir nos propres temps de prière.

1/ Le premier point commun que je veux souligner, c’est l’extrême familiarité avec laquelle Abraham et Jésus abordent la prière. C’est donc à cette familiarité que nous sommes invités dans notre prière.

  • Cette familiarité, cette liberté d’Abraham a de quoi nous étonner. Nous savons, en effet, qu’à cette époque, les hommes avaient un si grand respect de Dieu qu’ils n’osaient même pas prononcer son nom et voilà qu’Abraham n’hésite pas à négocier avec Dieu, presque d’égal à égal pour obtenir que Sodome ne soit pas détruite. Entre parenthèse, si Dieu veut détruire Sodome, ce n’est pas parce que sa miséricorde aurait des limites, non, elle est sans limite. Ce texte, il faut donc le lire de manière symbolique, Sodome, c’est le mal personnifié, en détruisant Sodome, c’est le mal que Dieu veut détruire. Il veut manifester que le Mal ne pourra jamais prospérer et se répandre sans qu’à un moment ou à un autre, Dieu ne vienne dire stop ! Abraham, avec audace, va donc demander à Dieu de ne pas réduire les pécheurs à leur péché et d’épargner la ville s’il y a quelques justes qui y vivent. Hélas, le péché a tellement proliféré qu’aucun juste ne s’y trouve.
  • Quant à Jésus sa familiarité avec Dieu ne nous étonne pas puisqu’il est le Fils de Dieu, consubstantiel au Père comme nous le disons dans le Credo. Mais ce qui est étonnant, c’est qu’il nous invite à entrer dans cette familiarité. A ses apôtres qui lui demandent de leur apprendre à prier, Jésus répond, quand vous priez, appelez Dieu comme, moi je l’appelle, abba, Père, et de manière plus précise papa. Bien sûr, pour certains, ce mot de Père est douloureux à prononcer en raison des expériences négatives de la paternité qu’ils ont pu avoir, ceux-là ont besoin de guérison et le Seigneur est toujours prêt à l’offrir. Mais tout le monde n’a pas eu un père défaillant, dysfonctionnant. C’est quand on voit la relation de complicité, de tendresse d’enfants avec leur père qu’on peut imaginer ce que doit être notre relation avec Dieu.

Alors, en suivant l’exemple d’Abraham et bien plus encore avec l’exemple de Jésus, et surtout en utilisant les mots de Jésus, soyons simples avec Dieu. Quand nous prions, ne nous faisons pas de nœuds, soyons aussi spontanés qu’un petit enfant qui ose tout dans les bras de son père. Je suis sûr que l’une des plus grandes souffrances de Dieu, c’est de nous voir aussi peu spontanés avec lui, de nous entendre dire des formules qui sortent plus de notre tête que de notre cœur.

Le 2° point commun entre la prière d’Abraham et celle de Jésus, je le qualifierai de prière décentrée, l’un et l’autre pratiquent une prière décentrée.

  • Abraham prie en faveur des gens de Sodome, il n’a rien demandé pour lui, son cœur est largement ouvert aux autres.
  • Quant à Jésus, dans la prière du Notre Père, dans la 1° partie de cette prière, il nous livre sans doute les mots de sa prière, une prière toute tournée vers le Père : que TON nom soit sanctifié, que TON règne vienne, que TA volonté soit faite. Jésus ne demande rien pour lui, son cœur est ouvert à Dieu son Père.

Ces deux exemples de prière nous interrogent donc : est-ce que notre prière est suffisamment décentrée ? N’est-elle pas trop souvent auto-référencée selon l’expression que le pape François aimait utiliser ? Je ne dis pas qu’il ne faut jamais rien demander pour nous dans la prière, mais il ne faut jamais commencer par-là sinon, je vais me retrouver au centre de ma prière et ma prière va tourner en rond. Quand nous prions, ouvrons notre cœur d’abord au Seigneur, prenons le temps de nous mettre en sa présence, de réaliser que le Père tout-puissant, créateur de l’univers visible et invisible, je peux l’appeler abba. N’hésitons pas à redire ce mot plusieurs fois, avec délectation, comme on fait passer et repasser un bon vin sur nos lèvres et notre palais pour en libérer tous les arômes. Goûtons à la suavité de ce mot de Père, mesurons le privilège que nous avons de pouvoir parler avec lui dans une grande familiarité. Ensuite, nous pourrons lui ouvrir notre cœur et si possible, à la manière d’Abraham, en le priant pour les autres, ceux que nous aimons et ceux que nous n’aimons pas assez. Et après, viendra le temps de lui confier ce qui nous tient à cœur personnellement.

Je ne dis pas qu’il faudra toujours appliquer à la lettre la méthode que je viens de vous livrer, mais ce qui est sûr, c’est que si je vis la prière de manière décentrée, ma prière élargira mon cœur et plus mon cœur sera élargi, plus le Seigneur pourra le remplir de son amour et plus j’en ressortirai transformé.

Par l’intercession de Notre Dame de Laghet demandons cette grâce de pouvoir grandir dans une vie de prière toujours plus décentrée et empreinte de familiarité.